DiffĂ©rences de traitement opĂ©rĂ©es par voie d’accord collectif : prudence !

Par |2019-05-09T18:36:53+02:00mai 9th, 2019|actualités spécialisées|

Depuis plusieurs arrĂȘts rendus en 2015 (n°13-22.179, 13-25.437, 13.23.818), la Cour de cassation jugeait que les diffĂ©rences de traitement entre catĂ©gories professionnelles opĂ©rĂ©es par voie d’accords collectifs sont prĂ©sumĂ©es justifiĂ©es, de sorte qu’il appartient Ă  celui qui les conteste de dĂ©montrer qu’elles sont Ă©trangĂšres Ă  toute considĂ©ration de nature professionnelle. Ainsi, la charge de la preuve reposait sur le salariĂ©. La Cour de cassation avait justifiĂ© sa position par le fait que ces accords Ă©taient nĂ©gociĂ©s et signĂ©s par des organisations syndicales reprĂ©sentatives investies de la dĂ©fense des droits et intĂ©rĂȘts des salariĂ©s.

Par un arrĂȘt du 3 avril 2019 destinĂ© Ă  la plus large publicitĂ©, la Cour de cassation a refusĂ© de gĂ©nĂ©raliser l’application de cette prĂ©somption Ă  toutes les diffĂ©rences de traitement instituĂ©es par accord collectif. Dans l’affaire soumise Ă  la Cour de cassation, une salariĂ©e revendiquait le bĂ©nĂ©fice de mesures prĂ©vues dans un accord collectif qui conditionnait ce bĂ©nĂ©fice Ă  la nĂ©cessitĂ© d’ĂȘtre prĂ©sent sur le site depuis 2011, ce qui n’était pas le cas de cette salariĂ©e arrivĂ©e en 2012.

Pour justifier sa dĂ©cision, la Cour de cassation explique que cette prĂ©somption serait, dans les domaines oĂč est mis en Ɠuvre le droit de l’union europĂ©enne, contraire Ă  celui-ci ; en effet, cela ferait reposer sur le seul salariĂ© la charge de la preuve de l’atteinte au principe d’égalitĂ© en contradiction avec le mĂ©canisme probatoire propre au droit de l’Union EuropĂ©enne. La Cour rappelle que selon le juge europĂ©en, un accord collectif n’est pas en soi de nature Ă  justifier une diffĂ©rence de traitement (CJUE, arrĂȘts du 8 avril 1976, C-414/16).

Pour autant, ce n’est pas la fin de la prĂ©somption de justification des diffĂ©rences de traitement, puisqu’elle est Ă©cartĂ©e dans les domaines oĂč est mis en Ɠuvre le droit de l’Union EuropĂ©enne. Elle s’applique donc encore aux inĂ©galitĂ©s de traitement conventionnelles fondĂ©es sur :

  • L’appartenance Ă  des catĂ©gories professionnelles distinctes ;
  • Des fonctions distinctes ;
  • L’appartenance Ă  des Ă©tablissements diffĂ©rents.

Cette décision invite par conséquent à faire preuve de vigilance dans la rédaction des accords collectifs qui contiendraient des différences de traitement entre salariés.