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Dissimulation des relations amoureuses au travail : gare au licenciement disciplinaire !

Par |2024-06-18T10:09:41+02:00juin 18th, 2024|actualités, actualités générales|

Dans un arrĂȘt du 29 mai 2024, la Chambre sociale de la Cour de cassation a validĂ© le licenciement pour faute grave d’un salariĂ© ayant dissimulĂ© sa relation amoureuse avec une autre salariĂ©e (Cass. Soc., 29 mai 2024, n°22-16.218).

Rappelons tout d’abord le principe selon lequel les salariĂ©s jouissent du droit au respect de leur vie privĂ©e, consacrĂ© tant par le droit national (article 9 du Code civil) que par le droit europĂ©en (article 8 de la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l’Homme).

A ce titre, il est de jurisprudence constante qu’un motif tirĂ© de la vie personnelle du salariĂ© ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire (Cass. Soc., 16 dĂ©c. 1997, n°95-41.326), sauf s’il constitue un manquement de l’intĂ©ressĂ© Ă  une obligation dĂ©coulant de son contrat de travail (Cass. Soc., 3 mai 2011, n°09-67.464 ; Cass. Soc., 8 nov. 2011, n°10-23.593).

En l’espĂšce, un salariĂ©, exerçant des fonctions de direction dans l’entreprise et chargĂ© de la gestion des ressources humaines, avait dissimulĂ© Ă  son employeur la relation amoureuse qu’il entretenait avec une salariĂ©e titulaire de mandats syndicaux et reprĂ©sentatifs.

La Haute juridiction a approuvĂ© la position de la Cour d’appel de NĂźmes ayant considĂ©rĂ© que le salariĂ© avait commis un manquement Ă  son obligation de loyautĂ© rendant impossible son maintien dans l’entreprise aux motifs que le salariĂ©, qui avait notamment reçu une dĂ©lĂ©gation pour prĂ©sider les institutions reprĂ©sentatives du personnel, avait partagĂ© des rĂ©unions avec sa compagne au cours desquelles avaient Ă©tĂ© abordĂ©s des sujets sensibles relatifs Ă  des plans sociaux. Il a Ă©tĂ© jugĂ© que cette relation intime Ă©tait de nature Ă  affecter le bon exercice de ses fonctions professionnelles.

Par cet arrĂȘt, la Cour de cassation fait prĂ©valoir l’obligation de loyautĂ© sur le droit Ă  la vie privĂ©e du salariĂ©.

Contestation d’un avis d’inaptitude : un assouplissement de la jurisprudence en vertu du droit Ă  ĂȘtre jugĂ© dans un dĂ©lai raisonnable

Par |2024-06-18T10:11:02+02:00juin 18th, 2024|actualités, actualités générales|

Dans un arrĂȘt du 22 mai 2024, la Cour de cassation a jugĂ© qu’en cas de contestation d’un avis d’inaptitude, le juge prud’homal, qui fait face Ă  une indisponibilitĂ© des mĂ©decins inspecteurs du travail pour rĂ©aliser une mesure d’instruction, peut dĂ©signer un autre mĂ©decin pour permettre son exĂ©cution (Cass. Soc., 22 mai 2024, n°22-22.321).

Pour mĂ©moire, la procĂ©dure de contestation d’un avis d’inaptitude poursuit un objectif de cĂ©lĂ©ritĂ©. Le salariĂ© ou l’employeur peut contester l’avis Ă©mis par le mĂ©decin du travail dans un dĂ©lai restreint de 15 jours Ă  compter de sa notification devant le Conseil de prud’hommes statuant selon la procĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©e au fond (articles R. 4624-45 et L. 4624-7 du Code du travail).

L’article L. 4624-7 du Code du travail dispose que la juridiction prud’homale peut confier toute mesure d’instruction au mĂ©decin inspecteur du travail territorialement compĂ©tent pour l’Ă©clairer sur les questions de fait relevant de sa compĂ©tence. L’article R. 4624-45-2 du mĂȘme code ajoute qu’en cas d’indisponibilitĂ© ou de rĂ©cusation du mĂ©decin prĂ©citĂ©, le Conseil de prud’hommes peut dĂ©signer un autre mĂ©decin inspecteur du travail que celui qui est territorialement compĂ©tent.

Toutefois, en pratique, les juges sont confrontés à une pénurie de médecins inspecteurs du travail.

En l’espĂšce, un salariĂ© a contestĂ© son avis d’inaptitude avec impossibilitĂ© de reclassement devant le Conseil de prud’hommes. Ce dernier a d’abord confiĂ© une mesure d’instruction au mĂ©decin inspecteur du travail territorialement compĂ©tent. Or, ledit mĂ©decin n’exerçait plus. Le Conseil a ensuite recherchĂ© un autre mĂ©decin inspecteur du travail mais s’est heurtĂ© au refus de tous les mĂ©decins inspecteurs du travail recherchĂ©s.

Par consĂ©quent, le Conseil a confiĂ© la mesure d’instruction Ă  un mĂ©decin inscrit sur la liste des experts prĂšs la Cour d’appel.

L’employeur s’est pourvu en cassation afin d’obtenir la nullitĂ© de l’expertise au motif que seul le mĂ©decin inspecteur du travail est compĂ©tent pour Ă©clairer le Conseil, Ă  l’exclusion de tout autre type de mĂ©decin.

La Cour a rejetĂ© le pourvoi au visa de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales qui consacre le droit Ă  ĂȘtre jugĂ© dans un dĂ©lai raisonnable.

Cette décision devrait donc mettre fin aux situations de blocage rencontrées dans ce type de dossiers.

Inaptitude du salariĂ© : l’employeur n’a pas besoin d’attendre les prĂ©cisions du mĂ©decin du travail pour commencer les recherches de reclassement

Par |2024-05-30T18:06:36+02:00mai 30th, 2024|actualités, actualités générales|

En cas d’inaptitude du salariĂ© Ă  son poste de travail, l’employeur doit rechercher Ă  le reclasser sur un autre emploi, en prenant en compte l’avis et les prĂ©conisations Ă©mises par le mĂ©decin du travail (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10).

Afin de l’orienter dans ses recherches de reclassement, l’employeur peut solliciter des prĂ©cisions du mĂ©decin du travail sur l’avis rendu.

La Cour de cassation est venue prĂ©ciser, dans un arrĂȘt rendu le 27 mars 2024, que l’employeur n’a pas l’obligation d’attendre le retour du mĂ©decin du travail pour engager ses recherches de reclassement.

Ainsi, l’employeur peut, comme c’était le cas en l’espĂšce, demander des prĂ©cisions supplĂ©mentaires au mĂ©decin du travail, tout en entamant ses recherches de reclassement le jour mĂȘme.

Le fait que le médecin du travail ait apporté postérieurement des précisions sur son avis ne remet pas nécessairement en cause le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement du salarié.

(Cass. soc., 27 mars 2024, n° 22-16.096)

L’accĂšs aux ASC du CSE ne peut ĂȘtre conditionnĂ© Ă  l’anciennetĂ© du salariĂ©

Par |2024-05-30T18:01:34+02:00mai 30th, 2024|actualités, actualités générales|

En l’absence de position de la Cour de cassation sur ce point, certains CSE ont instaurĂ© une condition d’anciennetĂ© pour l’accĂšs des salariĂ©s aux activitĂ©s sociales et culturelles (ASC), l’Urssaf admettant par ailleurs une condition d’anciennetĂ© limitĂ©e Ă  6 mois.

Dans l’affaire ayant donnĂ© lieu Ă  la dĂ©cision de la Cour de cassation du 3 avril 2024, un CSE avait instaurĂ© un dĂ©lai de carence de 6 mois avant de permettre aux salariĂ©s nouvellement embauchĂ©s de bĂ©nĂ©ficier des ASC.

A la suite de cette dĂ©cision, le syndicat de l’entreprise a saisi le Tribunal judiciaire estimant que, si le CSE peut instaurer des critĂšres de modulation pour l’attribution des ASC, il ne peut pas exclure totalement un salariĂ© du bĂ©nĂ©ficie de ces activitĂ©s. Or, en conditionnant l’attribution des ASC Ă  une anciennetĂ© minimale de 6 mois, le CSE excluait nĂ©cessairement tous les nouveaux embauchĂ©s, et les stagiaires.

La Cour d’appel avait dĂ©boutĂ© le syndicat de sa demande pour les motifs suivants :

  • La condition d’anciennetĂ© de 6 mois Ă©tait appliquĂ©e « de la mĂȘme maniĂšre Ă  l’ensemble des salariĂ©s, lesquels sont tous placĂ©s dans la mĂȘme situation Ă  l’Ă©gard d’un critĂšre objectif qui ne prend pas en compte les qualitĂ©s propres du salarié » ;
  • Les « critĂšres considĂ©rĂ©s comme discriminants pour exclure certains salariĂ©s de l’attribution des ASC sont la prise en compte de l’appartenance syndicale et la catĂ©gorie professionnelle » ;
  • Le comitĂ© « est lĂ©gitime, dans l’intĂ©rĂȘt mĂȘme des salariĂ©s, Ă  chercher Ă  Ă©viter un effet d’aubaine rĂ©sultant de la possibilitĂ© de bĂ©nĂ©ficier, quelle que soit l’anciennetĂ©, des ASC du comitĂ© rĂ©putĂ©es gĂ©nĂ©reuses ».

La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement, et censure la position de la Cour d’appel.

Au visa de l’article L. 2312-78 du Code du travail qui prĂ©voit que les ASC sont « Ă©tablies dans l’entreprise prioritairement au bĂ©nĂ©fice des salariĂ©s, de leur famille et des stagiaires » et de l’article R. 2312-35 qui liste les ASC pouvant ĂȘtre Ă©tablies dans l’entreprise, la Cour de cassation juge que l’ouverture du droit aux ASC « ne saurait ĂȘtre subordonnĂ©e Ă  une condition d’ancienneté ».

Ainsi, le CSE ne peut plus instaurer de condition d’anciennetĂ© pour l’accĂšs des salariĂ©s aux ASC. En effet, tous les salariĂ©s, et stagiaires, de l’entreprise doivent avoir accĂšs aux ASC, quelque soit leur anciennetĂ©.

(Cass. soc., 3 avril 2024, n° 22-16.812)

Rappels sur le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle

Par |2024-05-30T10:31:46+02:00mai 30th, 2024|actualités, actualités générales|

A travers un arrĂȘt rĂ©cent, la Cour de cassation fait quelques rappels sur le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle (Cass. soc., 07 mai 2024, n°22-10.905) :

1/ Tout d’abord, la Cour rappelle que les rĂšgles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dĂšs lors que (i) l’inaptitude du salariĂ© a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et (ii) que l’employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.

Tel Ă©tait le cas en l’espĂšce dĂšs lors que l’employeur savait que l’accident du travail Ă©tait Ă  l’origine du premier arrĂȘt de travail du salariĂ© et que ce dernier n’avait jamais repris le travail depuis la date de l’accident jusqu’Ă  la rupture du contrat.

2/ Ensuite, forte de cette conclusion, la Cour retient que l’inaptitude du salariĂ© Ă©tait d’origine professionnelle et que ce dernier pouvait, Ă  ce titre, bĂ©nĂ©ficier d’une indemnitĂ© d’un montant Ă©gal Ă  l’indemnitĂ© compensatrice de prĂ©avis.

Toutefois, elle rappelle que cette indemnitĂ© n’a pas la nature d’une indemnitĂ© de prĂ©avis et n’ouvre donc pas droit Ă  congĂ©s payĂ©s.

3/ Enfin, la Cour Ă©voque les consĂ©quences de l’absence d’information du salariĂ©, par l’employeur, des motifs rendant impossible son reclassement (obligation dĂ©coulant de l’article L. 1226-12 du Code du travail, lorsque l’employeur n’est pas dispensĂ© de l’obligation de rechercher un reclassement).

Elle vient ainsi prĂ©ciser que la mĂ©connaissance par l’employeur de cette obligation n’expose pas celui-ci aux sanctions prĂ©vues par l’article L. 1226-15 du Code du travail (qui renvoie lui-mĂȘme Ă  l’article L. 1235-3-1 du Code du travail : « indemnitĂ©, Ă  la charge de l’employeur, qui ne peut ĂȘtre infĂ©rieure aux salaires des six derniers mois »), mais le rend redevable d’une indemnitĂ© en rĂ©paration du prĂ©judice subi.

Autrement dit, le salariĂ© doit dĂ©montrer l’existence d’un prĂ©judice et en justifier l’étendue pour bĂ©nĂ©ficier de dommages et intĂ©rĂȘts au titre de la violation par l’employeur de son obligation de l’informer des motifs rendant impossible son reclassement. Le prĂ©judice liĂ© Ă  l’absence d’information Ă©crite n’est plus automatique, complexifiant ainsi la tĂąche du salariĂ©.

Voir aussi : Contestation de l’avis d’inaptitude : point de dĂ©part du dĂ©lai de recours et limitation des Ă©lĂ©ments mĂ©dicaux transmis au mĂ©decin mandatĂ© par l’employeur

La Cour de cassation reconnait encore de nouveaux préjudices automatiques

Par |2024-04-10T17:59:24+02:00avril 9th, 2024|actualités, actualités générales|

 

Jusqu’en 2016, la Cour de cassation appliquait la thĂ©orie du prĂ©judice automatique afin d’indemniser des salariĂ©s en raison du manquement de l’employeur Ă  ses obligations, sans qu’il ne soit nĂ©cessaire de dĂ©montrer un prĂ©judice pour le salariĂ©.

En 2016, la Cour de cassation a opĂ©rĂ© un revirement de jurisprudence et juge depuis que le salariĂ© doit rapporter la preuve d’un prĂ©judice afin d’ĂȘtre indemnisĂ© (Cass. Soc. 13 avril 2016, n° 14-28.293).

Ce revirement n’est cependant pas total et la thĂ©orie du prĂ©judice automatique a notamment subsistĂ© en matiĂšre de durĂ©e maximale du travail (Cass. Soc., 26 janvier 2022, n° 20-21.636 ; Cass. Soc., 11 mai 2023, n° 21-22.281 ; Cass. Soc., 27 septembre 2023, n° 21-24.782).

Dans deux rĂ©cents arrĂȘts, la Cour de cassation a une nouvelle fois appliquĂ© cette thĂ©orie du prĂ©judice automatique :

  • En matiĂšre de non-respect du temps de repos journalier d’un salariĂ© prĂ©vu par un accord collectif. À notre connaissance, c’est la premiĂšre fois que la Cour de cassation applique la thĂ©orie du prĂ©judice automatique s’agissant d’une disposition conventionnelle plus favorable que la loi (Cass. Soc., 7 fĂ©vrier 2024, n° 21-22.80) ;
  • En matiĂšre de droit Ă  l’image d’un salariĂ© dont l’employeur avait usĂ© sans obtenir l’accord de l’intĂ©ressĂ© (Cass. Soc., 14 fĂ©vrier 2024, n° 22-18.014).

Dans ces deux nouveaux cas, le salariĂ© faisant une demande de dommages-intĂ©rĂȘts n’a pas Ă  justifier de son prĂ©judice pour obtenir une indemnisation, mĂȘme si le montant restera toujours Ă  l’apprĂ©ciation des juges du fond.

La recevabilitĂ© de la production de donnĂ©es personnelles issues d’un systĂšme de vidĂ©osurveillance

Par |2024-04-09T18:18:40+02:00avril 9th, 2024|actualités, actualités générales|

La Cour de cassation a rendu rĂ©cemment un arrĂȘt qui dĂ©montre un inflĂ©chissement en matiĂšre de preuve illicite (Cass. soc., 14 fĂ©vrier 2024, n° 22-23.073).

Dans cette espĂšce, une sociĂ©tĂ© constate des anomalies dans ses stocks et soupçonne d’abord un vol par des clients. Toutefois, Ă  la suite du visionnage des enregistrements issus de la vidĂ©o protection, cette hypothĂšse est Ă©cartĂ©e.

La responsable de la société décide alors de suivre les produits lors de leur passage en caisse et de croiser les séquences vidéo sur lesquelles apparaissaient les ventes de la journée avec les relevés des journaux informatiques de vente.

En moins de deux semaines, elle a alors relevĂ© au total dix-neuf anomalies graves Ă  la caisse d’une salariĂ©e, entraĂźnant ainsi son licenciement pour faute grave.

Cette salariĂ©e conteste cette rupture en soulevant que la preuve des griefs qui lui sont reprochĂ©s est illicite dĂšs lors qu’il s’agit de l’utilisation disproportionnĂ©e de donnĂ©es personnelles issues d’un systĂšme de vidĂ©osurveillance.

Toutefois, les juges du fond ont soulignĂ© que le visionnage des enregistrements avait Ă©tĂ© limitĂ© dans le temps, dans un contexte de disparition de stocks, aprĂšs des premiĂšres recherches restĂ©es infructueuses et avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par la seule dirigeante de l’entreprise.

Ils en ont donc dĂ©duit que la production des donnĂ©es personnelles issues du systĂšme de vidĂ©osurveillance Ă©tait indispensable Ă  l’exercice du droit Ă  la preuve de l’employeur et proportionnĂ©e au but poursuivi, Ă  savoir le droit de veiller Ă  la protection de ses biens, de sorte que les piĂšces litigieuses Ă©taient recevables.

La Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel, et considĂšre qu’elle a mis en balance de maniĂšre circonstanciĂ©e le droit de la salariĂ©e au respect de sa vie privĂ©e et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l’entreprise.

Attention toutefois, cela ne signifie pas que l’utilisation d’images issues d’un systĂšme de vidĂ©osurveillance sera systĂ©matiquement considĂ©rĂ©e par les juges comme licite. Cette utilisation doit ĂȘtre indispensable Ă  l’exercice du droit Ă  la preuve et proportionnĂ©e au regard du but poursuivi par l’employeur.

SalariĂ© protĂ©gĂ© : pour ĂȘtre qualifiĂ© de lanceur alerte, le salariĂ© doit Ă©tayer ses accusations

Par |2024-01-25T16:14:23+01:00janvier 25th, 2024|actualités, actualités générales|

Selon l’article L. 1132-3-3 du code du travail, le salariĂ© qui dĂ©nonce, de bonne foi, des faits constitutifs d’un dĂ©lit ou d’un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, bĂ©nĂ©ficie d’une protection, notamment contre le licenciement.

Dans un arrĂȘt du 8 dĂ©cembre 2023, le Conseil d’État est venu prĂ©ciser comment s’apprĂ©cie l’exigence de bonne foi attachĂ©e au statut de lanceur d’alerte pour un salariĂ© protĂ©gĂ©.

En l’espĂšce, un reprĂ©sentant syndical avait envoyĂ© plusieurs mails Ă  des collĂšgues aux termes desquels il mettait en cause son ancien supĂ©rieur hiĂ©rarchique en l’accusant, sans plus de prĂ©cision, de commettre un « dĂ©lit d’abus de bien social », et dĂ©nonçait « une longue liste de dĂ©lits », « des affaires de clientĂ©lisme, de nĂ©potisme, de conflits d’intĂ©rĂȘts », des « prises illĂ©gales d’intĂ©rĂȘts » ainsi que les « sombres activitĂ©s de certains dirigeants ». Il avait Ă©galement qualifiĂ© son supĂ©rieur hiĂ©rarchique de « sinistre personnage » et de « truand corrompu ».

Estimant que ces accusations caractérisaient un comportement fautif, son employeur avait sollicité une autorisation de licenciement acceptée sur recours hiérarchique.

Le reprĂ©sentant syndical a alors contestĂ© cette dĂ©cision, estimant qu’elle mĂ©connaissait la protection des lanceurs d’alerte.

Dans son arrĂȘt, le Conseil d’État prĂ©cise qu’il appartient Ă  l’autoritĂ© administrative de rechercher :

  • Si les faits dĂ©noncĂ©s sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de dĂ©lit;
  • Si le salariĂ© en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, et
  • S’il peut ĂȘtre regardĂ© comme ayant agi de bonne foi.

Lorsque ces trois conditions sont remplies, l’autoritĂ© administrative doit refuser d’autoriser le licenciement.

Au cas d’espĂšce, le Conseil d’État a estimĂ©, au regard des piĂšces du dossier, que les accusations profĂ©rĂ©es par le salariĂ© Ă©taient rĂ©digĂ©es en des termes gĂ©nĂ©raux et outranciers, et qu’il n’a jamais Ă©tĂ© en mesure de les prĂ©ciser, ou de les Ă©tayer par le moindre Ă©lĂ©ment, malgrĂ© les demandes de prĂ©cision de la direction.

Les juges en ont alors dĂ©duit que la condition liĂ©e Ă  la bonne foi du salariĂ©, nĂ©cessaire Ă  l’application de la protection du lanceur d’alerte, n’était pas remplie, et ont jugĂ© que le licenciement pour faute pouvait ĂȘtre autorisĂ©.

On constate donc que le Conseil d’État a une apprĂ©ciation plus large de la bonne foi que celle retenue par la Cour de cassation qui estime que la mauvaise foi ne peut rĂ©sulter que de la connaissance de la faussetĂ© des faits dĂ©noncĂ©s par le salariĂ©, et non de la seule circonstance que les faits dĂ©noncĂ©s ne sont pas Ă©tablis (Cass., soc., 13 sept 2023, n° 21-22.301).

Les employeurs, confrontĂ©s Ă  une telle situation, devront donc ĂȘtre vigilants avant de lancer une procĂ©dure de licenciement, l’apprĂ©ciation de la bonne foi n’étant, Ă  date, pas la mĂȘme selon que le salariĂ© soit protĂ©gĂ© ou non.

Conseil d’État, 4Ăšme – 1Ăšre chambres rĂ©unies, 08/12/2023, 435266

Contestation de l’avis d’inaptitude : point de dĂ©part du dĂ©lai de recours et limitation des Ă©lĂ©ments mĂ©dicaux transmis au mĂ©decin mandatĂ© par l’employeur

Par |2024-01-22T10:24:16+01:00janvier 22nd, 2024|actualités, actualités générales|

L’avis d’inaptitude Ă©mis par le mĂ©decin du travail peut ĂȘtre contestĂ© par les parties au contrat de travail devant le Conseil de prud’hommes dans un dĂ©lai de 15 jours Ă  compter de sa notification. Afin de l’éclairer, la juridiction peut confier toute mesure d’instruction au mĂ©decin inspecteur du travail. De son cĂŽtĂ©, l’employeur a la possibilitĂ© de mandater un mĂ©decin pour garantir le respect du contradictoire (art. L.4624-7 et R.4624-45 du Code du travail).

Dans un arrĂȘt du 13 dĂ©cembre 2023, la Cour de cassation rappelle qu’en l’absence de preuve de la notification de l’avis d’inaptitude, le dĂ©lai de contestation ne court pas (Cass. Soc., 13 dĂ©c. 2023, n°21-22.401 et 22-21.168).

Dans l’affaire commentĂ©e, l’employeur s’appuyait sur un courriel du mĂ©decin du travail attestant que la salariĂ©e s’Ă©tait rendue personnellement dans les locaux de la mĂ©decine du travail pour rĂ©cupĂ©rer son avis au cours de la semaine du 26 au 30 aoĂ»t 2019 pour soutenir que l’action engagĂ©e le 20 septembre 2019 Ă©tait prescrite. Or, aprĂšs avoir constatĂ© qu’aucun Ă©lĂ©ment ne permettait de retenir que l’avis dactylographiĂ©, mentionnant les voies et dĂ©lais de recours, avait Ă©tĂ© remis personnellement Ă  la salariĂ©e Ă  l’issue de la visite, la Cour de cassation a rejetĂ© son pourvoi.

De plus, la Haute juridiction limite les Ă©lĂ©ments mĂ©dicaux que le mĂ©decin inspecteur du travail est tenu de communiquer au mĂ©decin mandatĂ© par l’employeur. Il s’agit des Ă©lĂ©ments mĂ©dicaux ayant fondĂ© les avis, propositions, conclusions Ă©crites ou indications Ă©mis par le mĂ©decin du travail, Ă  l’exclusion de tout autre Ă©lĂ©ment portĂ© Ă  sa connaissance dans le cadre de l’exĂ©cution de sa mission.

En l’espĂšce, l’employeur invoquait une atteinte au principe du contradictoire caractĂ©risĂ©e par le refus du mĂ©decin inspecteur du travail de transmettre certains Ă©lĂ©ments au mĂ©decin qu’il avait mandatĂ©. Toutefois, la Haute juridiction n’a pas cĂ©dĂ©, protĂ©geant ainsi le secret professionnel.

La rupture conventionnelle, proposée comme alternative au licenciement, est-elle valable ?

Par |2023-12-13T10:14:17+01:00décembre 13th, 2023|actualités, actualités générales|

Dans l’affaire qui a amenĂ© la Cour de cassation Ă  se prononcer le 15 novembre 2023 (n° 22-16.957), l’employeur, aprĂšs avoir constatĂ© divers manquements du salariĂ© l’amenant Ă  envisager la rupture de son contrat de travail, lui avait fait la proposition suivante :

  • Accepter de rompre son contrat d’un commun accord, en signant une convention de rupture conventionnelle ;
  • Ou, Ă  dĂ©faut, ĂȘtre licenciĂ© pour faute lourde.

Le salariĂ© a fait le choix de signer une rupture conventionnelle, mais a ensuite sollicitĂ© l’annulation de cette derniĂšre, estimant que son consentement avait Ă©tĂ© viciĂ©, la convention ayant Ă©tĂ© signĂ©e sous la menace d’un licenciement pour faute lourde.

La Cour de cassation rappelle que l’existence, au moment de la conclusion de la convention de rupture, d’un diffĂ©rend entre le salariĂ© et l’employeur n’affecte pas par elle-mĂȘme la validitĂ© de la rupture conventionnelle.

En l’occurrence, la cour d’appel a constatĂ© que le salariĂ© n’avait pas usĂ© de son droit de rĂ©tractation et n’Ă©tablissait pas que la rupture conventionnelle avait Ă©tĂ© imposĂ©e par l’employeur. Ainsi, le salariĂ©, qui ne rapportait pas la preuve d’un vice du consentement, a Ă©tĂ© dĂ©boutĂ© de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle.

En pratique, il n’est pas rare que l’employeur, qui envisage de licencier un salariĂ©, lui propose de signer une rupture conventionnelle comme alternative Ă  celui-ci. Si cette pratique n’est pas en soi prohibĂ©e, il faut garder Ă  l’esprit qu’elle l’est tant que le consentement du salariĂ© n’est pas altĂ©rĂ©, ce qui peut ĂȘtre le cas dans un contexte de menace ou de violence exercĂ©e sur le salariĂ© pour qu’il accepte la rupture conventionnelle (Cass. soc. 23-5-2013 n° 12-13.865 ; Cass. soc. 8-7-2020 n° 19-15.441).

Cass. soc. 15-11-2023 n° 22-16.957

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