Les récents apports de la Cour de cassation en matiÚre de congés payés
Pendant plusieurs annĂ©es, la Cour de cassation a pointĂ© la non-conformitĂ© du droit français avec le droit de lâUnion europĂ©enne en matiĂšre de congĂ©s payĂ©s dans ses rapports et suggĂ©rĂ© une rĂ©forme, sans ĂȘtre entendue par le lĂ©gislateur. Face Ă lâinaction de ce dernier, Ă la mi-septembre, la Haute juridiction a rendu plusieurs arrĂȘts marquants en la matiĂšre. Le cabinet Norma en analyse les consĂ©quences ci-dessous :
- Dans un premier arrĂȘt, la Cour de cassation a jugĂ©, au visa de lâarticle 31 de la Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne, quâen cas dâarrĂȘt de travail pour maladie ou accident dâorigine non professionnelle, les salariĂ©s doivent acquĂ©rir des congĂ©s payĂ©s ( Soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340), rejoignant ainsi la position europĂ©enne en la matiĂšre.
Pour rappel, il y avait une divergence entre le droit national et le droit europĂ©en sur ce point, car le Code du travail conditionne lâacquisition des congĂ©s payĂ©s Ă lâexĂ©cution dâun travail effectif et nâassimile pas les pĂ©riodes de suspension du contrat de travail pour maladie dâorigine non professionnelle Ă du travail effectif (art. L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail).
Or, la Cour de Justice de lâUnion EuropĂ©enne (CJUE) avait adoptĂ© une position diffĂ©rente, au visa de lâarticle 7 de la directive 2003/88 du 4 novembre 2013 et de lâarticle 31 de la Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne qui prĂ©voit que tout travailleur a droit Ă une pĂ©riode annuelle de congĂ©s payĂ©s, sans conditions particuliĂšres.
- Dans un second arrĂȘt, la Cour de cassation, se fondant une nouvelle fois sur lâarticle 31 de la Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne, a jugĂ© quâen cas dâarrĂȘt de travail pour maladie ou accident dâorigine professionnelle, lâacquisition des congĂ©s payĂ©s nâest plus limitĂ©e dans le temps. DĂ©sormais, les salariĂ©s acquiĂšrent des droits Ă congĂ©s pendant toute la durĂ©e de leur absence (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n°22-17.638).
JusquâĂ prĂ©sent, le droit français limitait lâacquisition des congĂ©s payĂ©s au cours dâun arrĂȘt de travail dâorigine professionnelle Ă la premiĂšre annĂ©e de lâarrĂȘt de travail (art. L. 3141-5 du Code du travail).
- Dans un troisiĂšme arrĂȘt, la Cour de cassation a jugĂ© que ce le dĂ©lai de prescription de trois ans en matiĂšre de rappel de salaire, appliquĂ© Ă une demande de rappel de congĂ©s payĂ©s, ne court Ă compter de l’expiration de la pĂ©riode lĂ©gale ou conventionnelle au cours de laquelle les congĂ©s auraient pu ĂȘtre pris, quâĂ condition que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent lĂ©galement afin d’assurer au salariĂ© la possibilitĂ© d’exercer effectivement son droit Ă congĂ© (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n° 22-10.529).
Ainsi, dorĂ©navant, en cas dâabsence dâinformation du salariĂ© par lâemployeur, le dĂ©lai de prescription de lâaction en rappel de salaire pour les congĂ©s payĂ©s ne commence pas Ă courir et est donc inopposable en cas de contentieux, comme le prĂ©voit depuis peu le droit de lâUnion europĂ©enne (CJUE, 22 septembre 2022, n° C-120/21).
Cette jurisprudence est en lâĂ©tat rĂ©troactive et la Cour de cassation nâa pas prĂ©cisĂ© jusquâĂ quand les salariĂ©s pourraient remonter afin de solliciter des congĂ©s payĂ©s ou une indemnitĂ© y affĂ©rant. Le conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation, Jean-Guy Huglo, est rĂ©cemment revenu sur la portĂ©e des arrĂȘts du 13 septembre 2023 et a indiquĂ© que, selon lui, les salariĂ©s pourraient revendiquer des congĂ©s au titre des arrĂȘts maladie depuis le 1er dĂ©cembre 2009, date dâentrĂ©e en vigueur du TraitĂ© de Lisbonne qui a donnĂ© une force juridique contraignante Ă la Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne sur laquelle se sont fondĂ©es la Cour de cassation et la CJUE pour rendre leurs dĂ©cisions en matiĂšre de congĂ©s payĂ©s. Une telle position devra cependant ĂȘtre confirmĂ©e par la jurisprudence Ă lâoccasion dâun litige.
- Enfin, dans un dernier arrĂȘt, se conformant de nouveau au droit europĂ©en en citant notamment des arrĂȘts de la CJUE et la directive 2010/18/UE du 8 mars 2010, la Cour de cassation a jugĂ© que les congĂ©s payĂ©s acquis, mais non utilisĂ©s dâun salariĂ© qui part en congĂ© parental dâĂ©ducation sont reportĂ©s et conservĂ©s jusquâĂ son retour de ce congĂ© (Cass. Soc, 13 septembre 2023, n° 22-14.043).
Pour rappel, jusquâĂ cet arrĂȘt, la jurisprudence française, partant du principe que seule lâimpossibilitĂ© de prendre les congĂ©s du fait de lâemployeur pouvait donner lieu Ă une indemnisation, jugeait quâun salariĂ© partant en congĂ© parental dâĂ©ducation sans avoir pris lâensemble de ses congĂ©s payĂ©s en perdait le bĂ©nĂ©fice (Cass. Soc., 5 mai 1999, n° 97-41.421 ; 28 janvier 2004, n° 01-46.314). Cela ne sera dorĂ©navant plus le cas.
Ces décisions qui mettent en conformité la jurisprudence nationale avec la jurisprudence européenne vont nécessiter, outre une mise en conformité des textes du code du travail par le législateur, une adaptation des logiciels de paie des entreprises afin que ces nouveautés soient prises en compte.