Salarié protégé : pour être qualifié de lanceur alerte, le salarié doit étayer ses accusations

Par |2024-01-25T16:14:23+01:00janvier 25th, 2024|actualités, actualités générales|

Selon l’article L. 1132-3-3 du code du travail, le salarié qui dénonce, de bonne foi, des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, bénéficie d’une protection, notamment contre le licenciement.

Dans un arrêt du 8 décembre 2023, le Conseil d’État est venu préciser comment s’apprécie l’exigence de bonne foi attachée au statut de lanceur d’alerte pour un salarié protégé.

En l’espèce, un représentant syndical avait envoyé plusieurs mails à des collègues aux termes desquels il mettait en cause son ancien supérieur hiérarchique en l’accusant, sans plus de précision, de commettre un « délit d’abus de bien social », et dénonçait « une longue liste de délits », « des affaires de clientélisme, de népotisme, de conflits d’intérêts », des « prises illégales d’intérêts » ainsi que les « sombres activités de certains dirigeants ». Il avait également qualifié son supérieur hiérarchique de « sinistre personnage » et de « truand corrompu ».

Estimant que ces accusations caractérisaient un comportement fautif, son employeur avait sollicité une autorisation de licenciement acceptée sur recours hiérarchique.

Le représentant syndical a alors contesté cette décision, estimant qu’elle méconnaissait la protection des lanceurs d’alerte.

Dans son arrêt, le Conseil d’État précise qu’il appartient à l’autorité administrative de rechercher :

  • Si les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit;
  • Si le salarié en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, et
  • S’il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi.

Lorsque ces trois conditions sont remplies, l’autorité administrative doit refuser d’autoriser le licenciement.

Au cas d’espèce, le Conseil d’État a estimé, au regard des pièces du dossier, que les accusations proférées par le salarié étaient rédigées en des termes généraux et outranciers, et qu’il n’a jamais été en mesure de les préciser, ou de les étayer par le moindre élément, malgré les demandes de précision de la direction.

Les juges en ont alors déduit que la condition liée à la bonne foi du salarié, nécessaire à l’application de la protection du lanceur d’alerte, n’était pas remplie, et ont jugé que le licenciement pour faute pouvait être autorisé.

On constate donc que le Conseil d’État a une appréciation plus large de la bonne foi que celle retenue par la Cour de cassation qui estime que la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits dénoncés par le salarié, et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis (Cass., soc., 13 sept 2023, n° 21-22.301).

Les employeurs, confrontés à une telle situation, devront donc être vigilants avant de lancer une procédure de licenciement, l’appréciation de la bonne foi n’étant, à date, pas la même selon que le salarié soit protégé ou non.

Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 08/12/2023, 435266

Contestation de l’avis d’inaptitude : point de départ du délai de recours et limitation des éléments médicaux transmis au médecin mandaté par l’employeur

Par |2024-01-22T10:24:16+01:00janvier 22nd, 2024|actualités, actualités générales|

L’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail peut être contesté par les parties au contrat de travail devant le Conseil de prud’hommes dans un délai de 15 jours à compter de sa notification. Afin de l’éclairer, la juridiction peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail. De son côté, l’employeur a la possibilité de mandater un médecin pour garantir le respect du contradictoire (art. L.4624-7 et R.4624-45 du Code du travail).

Dans un arrêt du 13 décembre 2023, la Cour de cassation rappelle qu’en l’absence de preuve de la notification de l’avis d’inaptitude, le délai de contestation ne court pas (Cass. Soc., 13 déc. 2023, n°21-22.401 et 22-21.168).

Dans l’affaire commentée, l’employeur s’appuyait sur un courriel du médecin du travail attestant que la salariée s’était rendue personnellement dans les locaux de la médecine du travail pour récupérer son avis au cours de la semaine du 26 au 30 août 2019 pour soutenir que l’action engagée le 20 septembre 2019 était prescrite. Or, après avoir constaté qu’aucun élément ne permettait de retenir que l’avis dactylographié, mentionnant les voies et délais de recours, avait été remis personnellement à la salariée à l’issue de la visite, la Cour de cassation a rejeté son pourvoi.

De plus, la Haute juridiction limite les éléments médicaux que le médecin inspecteur du travail est tenu de communiquer au médecin mandaté par l’employeur. Il s’agit des éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, à l’exclusion de tout autre élément porté à sa connaissance dans le cadre de l’exécution de sa mission.

En l’espèce, l’employeur invoquait une atteinte au principe du contradictoire caractérisée par le refus du médecin inspecteur du travail de transmettre certains éléments au médecin qu’il avait mandaté. Toutefois, la Haute juridiction n’a pas cédé, protégeant ainsi le secret professionnel.

La rupture conventionnelle, proposée comme alternative au licenciement, est-elle valable ?

Par |2023-12-13T10:14:17+01:00décembre 13th, 2023|actualités, actualités générales|

Dans l’affaire qui a amené la Cour de cassation à se prononcer le 15 novembre 2023 (n° 22-16.957), l’employeur, après avoir constaté divers manquements du salarié l’amenant à envisager la rupture de son contrat de travail, lui avait fait la proposition suivante :

  • Accepter de rompre son contrat d’un commun accord, en signant une convention de rupture conventionnelle ;
  • Ou, à défaut, être licencié pour faute lourde.

Le salarié a fait le choix de signer une rupture conventionnelle, mais a ensuite sollicité l’annulation de cette dernière, estimant que son consentement avait été vicié, la convention ayant été signée sous la menace d’un licenciement pour faute lourde.

La Cour de cassation rappelle que l’existence, au moment de la conclusion de la convention de rupture, d’un différend entre le salarié et l’employeur n’affecte pas par elle-même la validité de la rupture conventionnelle.

En l’occurrence, la cour d’appel a constaté que le salarié n’avait pas usé de son droit de rétractation et n’établissait pas que la rupture conventionnelle avait été imposée par l’employeur. Ainsi, le salarié, qui ne rapportait pas la preuve d’un vice du consentement, a été débouté de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle.

En pratique, il n’est pas rare que l’employeur, qui envisage de licencier un salarié, lui propose de signer une rupture conventionnelle comme alternative à celui-ci. Si cette pratique n’est pas en soi prohibée, il faut garder à l’esprit qu’elle l’est tant que le consentement du salarié n’est pas altéré, ce qui peut être le cas dans un contexte de menace ou de violence exercée sur le salarié pour qu’il accepte la rupture conventionnelle (Cass. soc. 23-5-2013 n° 12-13.865 ; Cass. soc. 8-7-2020 n° 19-15.441).

Cass. soc. 15-11-2023 n° 22-16.957

Les récents apports de la Cour de cassation en matière de congés payés

Par |2023-12-01T12:47:37+01:00décembre 1st, 2023|actualités, actualités générales|

Pendant plusieurs années, la Cour de cassation a pointé la non-conformité du droit français avec le droit de l’Union européenne en matière de congés payés dans ses rapports et suggéré une réforme, sans être entendue par le législateur. Face à l’inaction de ce dernier, à la mi-septembre, la Haute juridiction a rendu plusieurs arrêts marquants en la matière. Le cabinet Norma en analyse les conséquences ci-dessous :

 

  • Dans un premier arrêt, la Cour de cassation a jugé, au visa de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qu’en cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident d’origine non professionnelle, les salariés doivent acquérir des congés payés ( Soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340), rejoignant ainsi la position européenne en la matière.

Pour rappel, il y avait une divergence entre le droit national et le droit européen sur ce point, car le Code du travail conditionne l’acquisition des congés payés à l’exécution d’un travail effectif et n’assimile pas les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie d’origine non professionnelle à du travail effectif (art. L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail).

Or, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) avait adopté une position différente, au visa de l’article 7 de la directive 2003/88 du 4 novembre 2013 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui prévoit que tout travailleur a droit à une période annuelle de congés payés, sans conditions particulières.

 

  • Dans un second arrêt, la Cour de cassation, se fondant une nouvelle fois sur l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a jugé qu’en cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident d’origine professionnelle, l’acquisition des congés payés n’est plus limitée dans le temps. Désormais, les salariés acquièrent des droits à congés pendant toute la durée de leur absence (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n°22-17.638).

Jusqu’à présent, le droit français limitait l’acquisition des congés payés au cours d’un arrêt de travail d’origine professionnelle à la première année de l’arrêt de travail (art. L. 3141-5 du Code du travail).

 

  • Dans un troisième arrêt, la Cour de cassation a jugé que ce le délai de prescription de trois ans en matière de rappel de salaire, appliqué à une demande de rappel de congés payés, ne court à compter de l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient pu être pris, qu’à condition que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n° 22-10.529).

Ainsi, dorénavant, en cas d’absence d’information du salarié par l’employeur, le délai de prescription de l’action en rappel de salaire pour les congés payés ne commence pas à courir et est donc inopposable en cas de contentieux, comme le prévoit depuis peu le droit de l’Union européenne (CJUE, 22 septembre 2022, n° C-120/21).

Cette jurisprudence est en l’état rétroactive et la Cour de cassation n’a pas précisé jusqu’à quand les salariés pourraient remonter afin de solliciter des congés payés ou une indemnité y afférant. Le conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation, Jean-Guy Huglo, est récemment revenu sur la portée des arrêts du 13 septembre 2023 et a indiqué que, selon lui, les salariés pourraient revendiquer des congés au titre des arrêts maladie depuis le 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui a donné une force juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur laquelle se sont fondées la Cour de cassation et la CJUE pour rendre leurs décisions en matière de congés payés. Une telle position devra cependant être confirmée par la jurisprudence à l’occasion d’un litige.

 

  • Enfin, dans un dernier arrêt, se conformant de nouveau au droit européen en citant notamment des arrêts de la CJUE et la directive 2010/18/UE du 8 mars 2010, la Cour de cassation a jugé que les congés payés acquis, mais non utilisés d’un salarié qui part en congé parental d’éducation sont reportés et conservés jusqu’à son retour de ce congé (Cass. Soc, 13 septembre 2023, n° 22-14.043).

Pour rappel, jusqu’à cet arrêt, la jurisprudence française, partant du principe que seule l’impossibilité de prendre les congés du fait de l’employeur pouvait donner lieu à une indemnisation, jugeait qu’un salarié partant en congé parental d’éducation sans avoir pris l’ensemble de ses congés payés en perdait le bénéfice (Cass. Soc., 5 mai 1999, n° 97-41.421 ; 28 janvier 2004, n° 01-46.314). Cela ne sera dorénavant plus le cas.

 

Ces décisions qui mettent en conformité la jurisprudence nationale avec la jurisprudence européenne vont nécessiter, outre une mise en conformité des textes du code du travail par le législateur, une adaptation des logiciels de paie des entreprises afin que ces nouveautés soient prises en compte.

L’employeur ne peut pas conditionner le remboursement des trajets domicile-travail à un critère d’éloignement géographique

Par |2023-10-20T15:40:19+02:00octobre 20th, 2023|actualités, actualités générales|

En application des articles L. 3261-2 et R. 3261-1 du Code du travail, l’employeur doit prendre en charge, à hauteur de 50% minimum, le prix des titres d’abonnements souscrits par les salariés pour les déplacements accomplis au moyen d’un transport public entre leur résidence habituelle et le lieu de travail.

Selon la Cour de cassation, l’employeur a l’obligation de prendre en charge les abonnements transports des salariés, quand bien même ils auraient choisi de vivre loin de leur lieu de travail (Cass. soc. 12-12-2012 n° 11-25.089).

Pour l’administration, l’obligation de prise en charge des frais de transports est de portée générale : les salariés qui ont établi leur résidence habituelle loin de leur lieu de travail, même pour des convenances personnelles, doivent en bénéficier (BOSS-FP-530).

Récemment, la Cour d’appel de Paris a rappelé, dans un arrêt du 14 septembre 2023, que l’employeur devait bien rembourser les frais de transport des salariés, quel que soit leur lieu de résidence.

Dans cette affaire, les salariés résidant dans une autre région que la région parisienne, et dont le temps de trajet entre leur domicile et le lieu de travail était supérieur à 4 heures de transports en train aller-retour, étaient exclus de la prise en charge financière de leurs abonnements, dès lors que cet éloignement géographique résultait de convenances personnelles.

Sans surprise, les juges ont estimé que l’employeur ne pouvait conditionner le remboursement des frais de transport en commun à un critère d’éloignement géographique, et l’employeur a été condamné à régulariser la situation.

CA Paris 14-9-2023 n° 22/14610.

L’enregistrement à l’insu de l’employeur n’est pas constitutif d’un délit d’atteinte à la vie privée

Par |2023-10-17T12:42:58+02:00octobre 17th, 2023|actualités, actualités générales|

La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 12 avril 2023 (n° 22-83.581) que l’enregistrement de l’employeur à son insu, par un délégué syndical ayant assisté un salarié lors d’un entretien préalable à un licenciement, n’était pas constitutif d’un délit d’atteinte à la vie privée prévu par l’article 226-1 du code pénal.

Selon la chambre criminelle, pour être constitué, un tel délit doit réunir les conditions cumulatives suivantes :

  • Un enregistrement au moyen d’un appareil quelconque ;
  • Des paroles prononcées dans un lieu privé par une personne sans consentement ;
  • Des paroles portant relevant de la sphère privée et intime.

Au cas d’espèce, les juges ont considéré que la dernière condition n’était pas remplie, car les propos enregistrés provenaient d’une conversation dans un cadre professionnel. Ils ont donc rejeté toute responsabilité du délégué syndical.

La Cour de cassation confirme ainsi une jurisprudence antérieure où elle avait validé un raisonnement analogue dans le cas où un salarié avait enregistré les propos d’un collègue lors d’un échange dans le bureau de ce dernier (Crim 16 janvier 1990, n° 89-83.075).

Cette confirmation de la jurisprudence de la chambre criminelle doit amener les employeurs à davantage de précautions lors des échanges avec les salariés, d’autant plus depuis que la chambre sociale a fait évoluer sa jurisprudence sur la recevabilité de preuves issues de dispositifs illicites, acceptant leur production sous réserve d’un contrôle de proportionnalité entre le droit au respect à la vie privée et le droit à la preuve.

Dispense de reclassement du salarié inapte : attention à la rédaction de l’avis d’inaptitude

Par |2023-10-10T12:10:06+02:00octobre 10th, 2023|actualités, actualités générales|

Dans une affaire soumise à la Cour de cassation le 13 septembre 2023 (n°22-12.970), les juges se sont prononcés sur la dispense expresse de reclassement d’un salarié déclaré inapte à son poste par le médecin du travail.

Le médecin du travail avait indiqué dans l’avis d’inaptitude que « Tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».

L’employeur a alors estimé qu’il était expressément dispensé, par le médecin du travail, de rechercher un emploi où reclasser le salarié inapte. Le salarié a donc été licencié pour inaptitude, sans que l’employeur n’effectue de recherches de reclassement.

Estimant que l’avis d’inaptitude ne dispensait par l’employeur de cette recherche de reclassement, le salarié a contesté son licenciement.

La Cour de cassation rappelle que lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudice à sa santé ou que l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur est effectivement dispensé de chercher un reclassement.

Or, dans cette affaire, le médecin du travail avait indiqué que tout maintien du salarié dans un emploi de cette entreprise, serait gravement préjudiciable à la santé du salarié.

Pour les juges, cette indication n’impliquait pas l’éloignement du salarié de toute situation de travail, et ne dispensait pas l’employeur de procéder aux recherches de reclassement.

Les juges estiment donc que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement et le licenciement pour inaptitude physique est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La décision peut paraitre sévère à l’égard de l’employeur, mais est, en réalité, conforme à la position du législateur qui a souhaité réserver la dispense aux seuls cas dans lesquels le salarié est inapte à tout emploi, quel qu’il soit.

Cette décision incite à la vigilance quant à la rédaction de l’avis d’inaptitude. En cas de doute sur la formulation utilisée par le médecin du travail, nous vous conseillons de solliciter ce dernier, pour obtenir une précision sur la portée de l’avis d’inaptitude.

Cour de cassation le 13 septembre 2023, n°22-12.970

Inaptitude au poste et reclassement : l’employeur doit-il proposer des postes d’une catégorie d’emploi supérieure ?

Par |2023-09-22T09:32:50+02:00septembre 22nd, 2023|actualités, actualités générales|

* Dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat le 21 juillet 2023, l’employeur avait sollicité l’autorisation de licenciement pour inaptitude physique, d’un salarié protégé.

L’inspecteur du travail, puis le ministre du travail, avaient refusé de délivrer cette autorisation au motif que la société n’avait pas satisfait à son obligation de recherche sérieuse de reclassement. Toutefois, ces décisions, étant entachées d’un vice de procédure, le Tribunal administratif les a annulées.

Le salarié s’est alors vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La société a ensuite recherché la responsabilité de l’Etat afin d’obtenir réparation du préjudice du fait de l’illégalité des décisions de refus d’autorisation de licenciement.

* Pour statuer sur l’indemnisation du préjudice de la Société, le Conseil d’Etat était amené à vérifier si l’employeur avait bien respecté son obligation de reclassement.

Le Conseil d’Etat a alors rappelé qu’en cas d’inaptitude physique médicalement constatée par le médecin du travail, le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l’employeur n’a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé.

Dans cette affaire, les juges ont relevé qu’il existait d’autres postes de travail équivalents aux foncions exercées par le salarié inapte, qui ne lui avaient pas été proposés par la Société.

Pour le Conseil d’Etat, les emplois disponibles dans l’entreprise étaient équivalents à l’emploi précédemment occupé par le salarié, quand bien même ces derniers relevaient d’une catégorie d’emploi, celle de cadre, supérieure à celle à laquelle appartenait le salarié, employé en tant qu’agent de maîtrise.

Pour le Conseil d’Etat, « cette seule circonstance ne saurait, par elle-même, faire obstacle à ce que ces postes aient été au nombre de ceux qui devaient être proposés par l’employeur au salarié au titre de ses obligations en matière de reclassement ». Et ce, même si, admet-il, « il pouvait en être tenu compte, parmi d’autres éléments, pour apprécier la comparabilité des postes disponibles aux fonctions jusqu’alors exercées » par le salarié.

Autrement dit, un poste d’une catégorie d’emploi supérieure à celle du salarié inapte ne doit pas être exclu d’emblée des postes susceptibles d’être proposés au salarié au titre du reclassement. En effet, dès lors qu’au regard du contenu du poste ou du profil du salarié, ce dernier est susceptible de l’occuper, il y a lieu de le lui proposer.

Les juges ont donc estimé que la Société n’avait pas respecté son obligation de reclassement, et ont débouté la Société de sa demande d’indemnisation.

CE 21 juillet 2023, n° 457196

Une preuve illicite n’est pas recevable en justice dès lors que l’employeur dispose d’un autre moyen de preuve

Par |2023-07-17T15:20:19+02:00juillet 17th, 2023|actualités, actualités générales|

Dans un arrêt du 8 mars 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation est venue compléter sa jurisprudence en matière de recevabilité de la preuve (Cass. Soc., 8 mars 2023, n°21-17.802).

Rappelons que la Haute juridiction considère, depuis un arrêt « AFP » du 25 novembre 2020, que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats (Cass. Soc., 25 novembre 2020, n°17-19.523).

Dans l’affaire commentée, une salariée a été licenciée pour faute grave pour vols et abus de confiance. A la suite d’un audit mis en place au sein de l’entreprise, l’employeur avait des soupçons, qui ont ensuite été confirmés par des images de vidéosurveillance. La salariée a contesté son licenciement. Dans le cadre du contentieux, l’employeur produisait les images de vidéosurveillance, mais pas le rapport d’audit, estimant manifestement que les premières constituaient la preuve irréfutable et suffisante des vols commis.

La Cour d’appel a tout d’abord considéré que les images issues de la vidéosurveillance étaient illicites car l’employeur n’avait pas informé la salariée du dispositif ni sollicité d’autorisation préfectorale.

Elle a ensuite jugé que la production de la vidéosurveillance n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve dans la mesure où il existait d’autres éléments susceptibles de révéler les irrégularités reprochées à la salariée.

La Cour de cassation a validé cette interprétation, considérant que la production des enregistrements litigieux n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur, dès lors que celui-ci disposait d’un autre moyen de preuve qu’il n’avait pas versé aux débats.

En conclusion, il demeure périlleux d’étayer un licenciement au moyen de « preuves illicites ». Cela doit rester un ultime recours.

Voir aussi : La vie privée à l’épreuve du droit à la preuve

Nullité du licenciement pour dénonciation du harcèlement moral : la Cour de cassation abandonne l’exigence de qualification des faits

Par |2023-07-17T15:04:34+02:00juillet 17th, 2023|actualités, actualités générales|

Le Code du travail protège le salarié ayant relaté des agissements de harcèlement moral. Dès lors, si le salarié été licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, son licenciement est nul, sauf en cas de mauvaise foi, c’est-à-dire si le salarié avait connaissance de la fausseté des faits dénoncés (art. L. 1152-2 et L.1152-3 du Code du travail).

Préalablement à l’arrêt objet du présent commentaire, la Cour de cassation conditionnait la protection du salarié à la qualification des faits de harcèlement moral (Cass. Soc., 13 septembre 2017, n° 15-23.045).

Toutefois, dans un arrêt du 19 avril 2023, la Haute juridiction a assoupli sa jurisprudence (Cass. Soc., 19 avril 2023, n° 21-21.053).

En l’espèce, une salariée a été licenciée pour faute grave pour avoir mis en cause l’attitude et les décisions prises sa direction. Considérant avoir subi et dénoncé des agissements de harcèlement moral, elle a saisi le Conseil de prud’hommes afin que la nullité de son licenciement soit reconnue. La Cour d’appel a fait droit à sa demande.

L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation, en s’appuyant sur la jurisprudence de 2017 qui imposait au salarié de qualifier les faits de harcèlement moral afin de bénéficier de la protection. L’employeur soulignait que la salariée n’avait jamais mentionné le terme de « harcèlement » dans son courrier ayant fondé son licenciement pour faute grave.

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation a procédé à un revirement de jurisprudence. Elle considère désormais que, lorsqu’au regard des termes employés par le salarié, l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que le salarié dénonçait des faits de harcèlement moral, alors le salarié bénéficie de la protection contre le licenciement, peu important qu’il n’ait pas qualifié les faits de harcèlement moral au moment de leur dénonciation. En l’espèce, la salariée avait fait état d’une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, ce qui caractérise le harcèlement moral et suffit donc à lui attribuer le bénéfice de la protection.

En conclusion, prudence avant de licencier un salarié ayant dénoncé des faits pouvant constituer un harcèlement moral !

Aller en haut