Forfait jours : Entre autonomie du salarié et pouvoir de direction de l’employeur

Par |2022-05-02T17:38:40+02:00février 28th, 2022|actualités, actualités générales|

L’article L 3121-58 du Code du travail réserve la conclusion d’un forfait jours aux cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps ou bien aux salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée.

La notion d’autonomie du salarié dans l’organisation de son activité est ainsi centrale : si un salarié ne dispose pas d’une autonomie suffisante, sa convention de forfait risque alors d’être privée d’effet. Dans un tel cas, le droit commun de la durée du travail trouve à s’appliquer et le salarié peut réclamer le paiement des heures supplémentaires qu’il aurait accompli.

La Cour de cassation a jugé, à plusieurs reprises, que l’élaboration d’un planning contraignant par l’employeur imposant la présence des salariés à des horaires prédéfinis est inconciliable avec le statut de cadre autonome. En conséquence, le salarié dont l’emploi du temps est déterminé par sa hiérarchie ne peut pas conclure une convention de forfait en jours (Cass.soc., 31 octobre 2007, n°06-43.876Cass.soc., 23 janvier 2013, n°11-12.323Cass.soc., 15 décembre 2016, n°15-17.568).

Récemment, la Cour de cassation vient de préciser que l’autonomie dont bénéficie le salarié dans l’organisation de son activité n’était pas antinomique avec les contraintes liées à l’organisation de l’activité. Dans un arrêt en date du 2 février 2022, elle a jugé que « la convention individuelle de forfait annuel en jours n’instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction » (Cass.soc., 2 février 2022, n°20-15.744).

En l’espèce, il s’agissait d’une vétérinaire salariée en forfait jours. La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a considéré que la fixation de demi-journée ou de journées de présence imposées par l’employeur, qui correspondaient aux rendez-vous donnés par le cabinet vétérinaire aux propriétaires des animaux, était compatible avec la qualité de cadre autonome. La Cour d’appel a également relevé que la salariée conservait la possibilité d’organiser, en dehors de ces contraintes, sa journée de travail et ses interventions à sa guise. En conséquence, l’employeur était donc bien-fondé à lui reprocher ses absences durant ces plages horaires pour motiver son licenciement pour faute grave.

L’autonomie des salariés n’est donc pas synonyme de liberté totale. Les contraintes liées à l’organisation de l’activité peuvent, dans une certaine mesure, permettre d’encadrer l’activité des salariés ayant conclu une convention de forfait en jours.

Pour aller plus loin : L’inopposabilité de la convention de forfait : le juge doit vérifier si la rémunération contractuelle opère paiement des heures supplémentaires

Rupture conventionnelle : attention à la clause de non-concurrence !

Par |2022-02-24T19:35:42+01:00février 24th, 2022|actualités, actualités générales|

En l’espèce, le contrat de travail d’une salariée prévoyait une clause de non-concurrence que l’employeur avait la faculté de lever « à tout moment durant le préavis ou dans un délai maximum d’un mois à compter de la fin du préavis (ou en l’absence de préavis, de la notification du licenciement) ».

Les parties ont conclu une rupture conventionnelle et la rupture du contrat de travail était fixée au 5 mai 2015. Ce n’est que le 11 septembre 2015 que l’employeur a levé la clause de non-concurrence.

La Cour d’appel de Lyon a limité le droit de la salariée à la contrepartie financière à la période du 5 mai au 11 septembre 2015. Toutefois, la Cour de cassation a considéré que la renonciation à la clause de non-concurrence était tardive de sorte que la contrepartie était due dans sa globalité.

Dans cet arrêt de principe, les juges énoncent ainsi qu’en matière de rupture conventionnelle, l’employeur doit renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires (Cass. soc., 26 janvier 2022, n° 20-15.755).

Cette solution est en cohérence avec la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle avait ainsi jugé que la renonciation à l’exécution de la clause de non-concurrence devait se faire au plus tard à la date du départ effectif de l’intéressé de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires (Cass. soc., 21 janvier 2015, n° 13-24.471).

En outre, en application de cette jurisprudence, l’employeur ne pourra plus se prévaloir des conventions ou accords collectifs de branche ou d’entreprise ou des contrats de travail qui stipulent, en cas de rupture conventionnelle, des délais de renonciation à la clause de non-concurrence postérieurs à la date de départ effectif.

Il apparaît donc indispensable, dans le cas d’une rupture conventionnelle du contrat d’un salarié soumis à une clause de non-concurrence, de prévoir dans la convention de rupture conventionnelle la levée de la clause de non-concurrence au plus tard lors du départ effectif du salarié.

Référendum d’un accord minoritaire : tous les salariés sont concernés

Par |2022-02-24T16:35:45+01:00février 24th, 2022|actualités, actualités générales|

En principe, la validité d’un accord d’entreprise implique de recueillir la signature d’un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires du CSE. À défaut d’accord majoritaire, il est possible de faire valider, via un référendum, un accord signé par des os représentants plus de 30 des suffrages exprimés au 1er tour.

Un arrêt de la Cour de cassation du 5 janvier 2022 apporte des précisions sur la composition du corps électoral dans le cadre du recours au référendum et sur la recevabilité d’un litige lié aux modalités d’organisation d’un référendum.

Au cas d’espèce, suite à la signature de deux accords non majoritaires, l’employeur avait fixé unilatéralement les modalités du référendum et avait écarté les salariés en CDD du vote.

Un syndicat non-signataire a saisi le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation du référendum au motif de l’exclusion des salariés en CDD.

Débouté par le Tribunal judiciaire, le syndicat a porté l’affaire devant la Cour de cassation qui lui a donné gain de cause.

La Cour de cassation rappelle  que tous les électeurs auraient dû être consultés.

Et elle définit la notion d’électeur au visa de  l’article L. 2232-12 du Code du travail qui rappelle que « participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord et électeurs au sens de l’article L. 2314-18 issu de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 » à savoir  ceux âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques, indépendamment de la durée de leur contrat de travail.

Les salariés en CDD auraient donc du pouvoir prendre part au vote même s’ils n’étaient pas concernés directement par certaines dispositions des accords.

La Cour souligne également dans cet arrêt que la recevabilité de l’action du syndicat ne s’analyse qu’au regard du respect des délais de contestation (15 jours respectés en l’espèce) nonobstant le fait qu’un des accords ait commencé à produire ses effets, contrairement à ce qu’avait jugé le tribunal judiciaire.

Publication de l’Index égalité: de nouvelles obligations et des précisions sur le calcul de l’indicateur retour de congé maternité

Par |2022-02-24T11:56:40+01:00février 24th, 2022|actualités, actualités générales|

  • De nouvelles obligations issues de la loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle

Désormais l’entreprise doit publier l’ensemble des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et non plus seulement la note obtenue. Elle doit également rendre public ces indicateurs sur le site internet du ministère du travail (selon des modalités définies par décret à paraître).

Les « mauvais élèves » qui auraient obtenu une note globale inférieure à 75 sur 100, devront publier (selon des modalités définies par décret à paraître) :

  • Les mesures correctives adoptées par une communication externe, et au sein de l’entreprise, et
  • Les objectifs de progression de chacun des indicateurs mentionnés dans l’accord collectif ou le plan d’action.

Ces nouvelles dispositions sont applicables à compter de la publication des indicateurs effectuée en 2022 c’est-à-dire à partir du 1er mars prochain.

  • Indicateur « retour de congé maternité »

Pour mémoire, cet indicateur est mesurable si au moins une femme est revenue de congé maternité durant la période de référence (de 12 mois consécutifs, qui précède l’année de publication) et que des augmentations ont été accordées dans l’entreprise pendant le congé maternité.

Face aux nombreuses interrogations qui se sont posées quant à la notion de « retour de congé maternité », le ministère du Travail précise que :

  • Le congé d’adoption est pris en compte au même titre que le congé de maternité.
  • Si le congé maternité est suivi du congé parental : l’indicateur est calculé en prenant en compte la date de retour physique de la salariée dans l’entreprise. En revanche, seules les augmentations de rémunération intervenues pendant le congé de maternité sont prises en compte dans le calcul de l’indicateur (non celles intervenues pendant le congé parental).
  • Si le congé maternité est suivi de congés payés : l’indicateur est calculé à la date de fin du congé maternité.
  • Même si ces salariées ont été absentes plus de la moitié de la période de référence, elles doivent être prises en compte pour le calcul de l’indicateur (ce qui n’est pas le cas pour le calcul des autres indicateurs : seuls les salariés présents pendant au moins 6 mois sont pris en compte).
  • Dans l’hypothèse où les salariées ont été augmentées pendant leur congé maternité, et non à l’issue de celui-ci, mais que ces augmentations se situent pendant la période de référence, elles sont prises en compte pour le calcul de l’indicateur.

Le constat d’huissier de justice a une force probante supérieure à celle des attestations de salariés.

Par |2022-02-11T15:04:10+01:00février 11th, 2022|actualités, actualités générales|

Le Conseil d’Etat a été saisi par une société afin de voir annuler la décision de l’inspection du travail ayant refusé l’autorisation de licencier pour faute un salarié protégé.

Pour rappel, lorsqu’un employeur sollicite auprès de l’inspection du travail l’autorisation de licencier un salarié protégé pour faute, il appartient à l’inspecteur du travail de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

En l’espèce, l’employeur a produit un procès-verbal de constat d’huissier de justice, duquel il ressort que le salarié protégé a participé aux incidents justifiant son licenciement pour faute.

Ce constat d’huissier a été confronté à des attestations de salariés communiquées par le salarié protégé faisant état de l’existence d’un doute quant à sa participation aux incidents litigieux.

La cour administrative d’appel de Paris a rendu un arrêt dans lequel elle considère que le doute rapporté par ces attestations doit profiter au salarié.

Dans cette décision rendue le 08 décembre 2021, le Conseil d’Etat annule cet arrêt rappelant que les constatations d’huissier font foi jusqu’à preuve contraire et considérant que des attestations de salariés laissant subsister un doute n’apportent pas cette preuve contraire (CE, 08 décembre 2021, n° 439631).

Cette jurisprudence renforce l’intérêt des constats d’huissier au regard de leur force probante quant aux agissements fautifs d’un salarié.

Les salariés ont le droit d’accéder à leurs courriels professionnels : la CNIL indique comment l’employeur peut répondre à un salarié qui en fait la demande dans le respect de la protection des données personnelles

Par |2022-02-11T12:50:46+01:00février 11th, 2022|actualités, actualités générales|

Tout salarié peut demander à son employeur qui détient des mails professionnels le concernant, d’y avoir accès et de les lui communiquer.

Face à un salarié qui souhaite accéder ou obtenir la copie de mails professionnels, la CNIL a récemment précisé que l’employeur doit faire un tri entre les mails communicables et ceux qui ne le sont pas car susceptibles de porter atteinte à un tiers (le respect du secret des correspondance d’un collègue par exemple).

Pour cela, la CNIL indique que l’employeur doit distinguer deux situations :

  • Celle où le salarié est l’expéditeur ou le destinataire des mails, ou,
  • Celle où le salarié est seulement mentionné dans le contenu des mails.

Dans la 1re hypothèse, la CNIL part du principe que l’employeur doit communiquer au salarié le mail en l’état puisqu’il en a déjà eu connaissance.

Néanmoins, dans des cas spécifiques (informations qui porteraient atteinte à la sécurité nationale ou à un secret industriel ou une atteinte particulière au respect de la vie privée par exemple), l’employeur ne peut faire droit à la demande du salarié qu’après avoir supprimé, anonymisé ou pseudonymisé les informations contenues dans les mails qui concernent les tiers.

Ce n’est que si ces suppressions/anonymisations s’avèrent insuffisantes, que l’employeur peut refuser de communiquer au salarié les mails en question. Il doit alors justifier et motiver son refus.

Dans la 2nd hypothèse, l’employeur doit procéder en deux temps :

  • Vérifier que l’identification des mails dans lesquels le salarié est mentionné n’entraine pas une atteinte disproportionnée aux droits de l’ensemble des salariés de l’entreprise (exemple : scan de l’ensemble des messageries des salariés).

Si tel est le cas, l’employeur doit demander au salarié de désigner les mails sur lesquels porte sa demande, et pourra lui opposer un refus si le salarié refuse d’apporter des indications supplémentaires sur l’identification des mails.

  • A l’inverse, si l’employeur arrive à identifier les mails demandés, il doit alors étudier, au cas par cas, leur contenu pour savoir s’il peut les communiquer.

Si les informations portent une atteinte disproportionnée aux droits des tiers (respect de la vie privée et secret des correspondances notamment) l’employeur peut s’opposer à leur communication.

Dans le cas contraire, l’employeur doit anonymiser les données et transmettre les mails au salarié qui en a fait la demande.

Vous pouvez retrouver l’intégralité des recommandations de la CNIL directement sur son site internet ainsi qu’une infographie qui permet de vous poser les bonnes questions lorsque à un salarié sollicite l’accès à ses mails professionnels.

La seule constatation d’une atteinte au droit à l’image du salarié lui ouvre droit à réparation

Par |2022-02-11T12:28:22+01:00février 11th, 2022|actualités, actualités générales|

Les salariés jouissent de leur droit à l’image au sein de l’entreprise. Dès lors l’employeur ne peut pas capter et diffuser des images des salariés sans leur consentement, sauf à s’exposer au paiement de dommages et intérêts.

Ces principes sont rappelés par l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 19 janvier 2022 (Cass.soc., 19 janvier 2022, n°20-12.420).

En l’espèce, plusieurs salariés ont intenté une action en justice aux fins d’obtenir des dommages et intérêts car leur employeur avait publié une photographie, sans leur consentement exprès, sur le site internet.

La Cour d’appel les déboute compte tenu du fait que la photographie litigieuse avait été supprimée par l’employeur et que les salariés ne démontraient pas l’existence d’un préjudice personnel, direct et certain résultant du délai de suppression.

Aux termes de l’article 9 du Code civil, la Cour de cassation rappelle que le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation et que la seule constatation d’une atteinte à ce droit ouvre droit à réparation.

Ainsi, le simple fait d’avoir diffusé une image sans recueillir préalablement le consentement des salariés leur ouvre droit à une réparation. Ce principe s’applique tant pour les publications internes (trombinoscope, intranet, affiches etc) que les publications commerciales (brochures commerciales, réseaux sociaux, site internet etc). Il est donc nécessaire de recueillir systématiquement le consentement du salarié ou bien d’insérer directement une clause de cession du droit à l’image dans les contrats de travail.

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