Obligation de loyautĂ© et travail d’un salariĂ© durant un arrĂȘt maladie

Par |2022-04-19T14:56:15+02:00avril 19th, 2022|actualités, actualités générales|

Le principe de bonne foi contractuelle, ou obligation de loyautĂ©, irrigue la relation entre l’employeur et le salariĂ©. En cas de suspension du contrat de travail, la Cour de cassation adopte une vision restrictive de cette obligation. Se posait la question de la position du Conseil d’État sur ce sujet.

Dans un arrĂȘt rĂ©cent, le Conseil d’État a eu Ă  se prononcer sur le licenciement pour faute d’un salariĂ© protĂ©gĂ© qui avait travaillĂ©, Ă  plusieurs reprises pour un autre employeur, durant un arrĂȘt maladie liĂ© Ă  un accident du travail (CE, 4 fĂ©vrier 2022, n° 438412, StĂ© Chronopost c/ L.).

Dans les faits, le salariĂ© Ă©tait employĂ© en tant que livreur pour une sociĂ©tĂ© de transport de colis et avait travaillĂ© durant son arrĂȘt maladie pour une sociĂ©tĂ© de transport urgent de produits mĂ©dicaux vers des professionnels de santĂ©.

Pour la sociĂ©tĂ© de transport de colis, il s’agissait d’un comportement fautif sur le fondement du manquement l’obligation de loyautĂ©. Le salariĂ© se voyait  également reprocher la violation son obligation de confidentialitĂ©.

Le licenciement avait Ă©tĂ© autorisĂ© par l’inspecteur du travail, mais cette autorisation a Ă©tĂ© annulĂ©e par le Tribunal administratif puis par la Cour administrative d’appel.

Le Conseil d’État, saisi du pourvoi de la sociĂ©tĂ©, a confirmĂ© ces dĂ©cisions estimant que le salariĂ© n’avait pas manquĂ© Ă  son obligation de loyautĂ©, car les deux employeurs n’étaient pas concurrents. Quant au manquement Ă  l’obligation de confidentialitĂ©, il n’était pas dĂ©montrĂ©.

Cette solution s’aligne sur celle de la Cour de cassation qui, pour un salariĂ© non protĂ©gĂ©, relĂšve que c’est la situation de concurrence qui caractĂ©rise un manquement Ă  l’obligation de loyautĂ© lorsque le salariĂ© travaille pour un autre employeur lors d’une pĂ©riode de suspension de son contrat de travail (Cass. Soc., 5 juillet 2017, n° 16-15.623).

Ainsi, le seul exercice d’une activitĂ© professionnelle chez un autre employeur pendant une suspension du contrat de travail pour maladie ne constitue pas un manquement Ă  l’obligation de loyautĂ© si l’employeur initial ne dĂ©montre pas un prĂ©judice rĂ©sultant d’une situation concurrentielle. Il convient donc d’ĂȘtre attentif Ă  la motivation d’un Ă©ventuel licenciement sur ce fondement.

Le licenciement d’un salariĂ© en raison de son dĂ©mĂ©nagement Ă  450 kilomĂštres de son lieu de travail est justifiĂ© selon la Cour d’appel de Versailles

Par |2022-04-15T10:32:52+02:00avril 15th, 2022|actualités, actualités générales|

Dans cette affaire, un responsable support technique a déménagé, en Bretagne, à prÚs de 450 km de son lieu de travail situé dans les Yvelines.

ConsidĂ©rant que ce nouveau domicile n’était pas compatible avec l’obligation de sĂ©curitĂ© dont il est dĂ©biteur, l’employeur a demandĂ© Ă  son collaborateur de revenir s’installer en rĂ©gion parisienne.

Face au refus du salariĂ©, l’employeur l’a licenciĂ© pour cause rĂ©elle et sĂ©rieuse en raison de la fixation de son domicile en un lieu trop Ă©loignĂ© de ses lieux d’activitĂ© professionnelle.

De maniĂšre assez surprenante, la Cour d’appel de Versailles a jugĂ© que le refus du salariĂ© Ă©tait fautif, mĂȘme en l’absence de clause de domicile insĂ©rĂ©e dans son contrat, et a ainsi approuvĂ© la position de l’employeur.

Les juges se sont placĂ©s sur le terrain de l’obligation de sĂ©curitĂ© de l’employeur pour justifier leur dĂ©cision.

La Cour d’appel relĂšve que le dĂ©mĂ©nagement du salariĂ© avait allongĂ© de maniĂšre excessive son temps de trajet pour se rendre au siĂšge social de l’entreprise (4h30 de trajet par la route, ou 3h30 de train).

Selon les juges, l’atteinte Ă  la libertĂ© du salariĂ© de choisir son domicile est proportionnĂ©e compte tenu de :

  • l’obligation de sĂ©curitĂ© qui pĂšse sur l’employeur, et,
  • l’obligation de veiller au repos quotidien du salariĂ© ainsi qu’à l’équilibre entre sa vie familiale et professionnelle dans le cadre de la convention de forfait en jours.

Si la solution de la Cour d’appel de Versailles est sĂ©duisante, il convient de rester prudent dans sa mise en Ɠuvre notamment au regard de la position de la Cour de cassation qui n’admet que trĂšs rarement les atteintes de l’employeur au libre choix du domicile du salariĂ©.

Au regard de l’essor du tĂ©lĂ©travail et des mobilitĂ©s gĂ©ographiques, ce type de contentieux pourrait bien se dĂ©velopper Ă  l’avenir. On se demande alors si les juges adopteront une position similaire Ă  celle de la Cour d’appel de Versailles.

(Cour d’appel de Versailles, 10 mars 2022, n° 20/02208)

Le contrat de travail d’un salariĂ© ne peut ĂȘtre modifiĂ© par accord collectif sans son accord exprĂšs.

Par |2022-04-08T10:35:06+02:00avril 8th, 2022|actualités, actualités générales|

Une convention collective ou un accord collectif antérieur au contrat de travail est opposable au salarié, sauf stipulation expresse spécialement négociée.

En revanche, si la convention ou l’accord a Ă©tĂ© conclu aprĂšs l’embauche du salariĂ©, seules les clauses plus favorables que le contrat de travail lui sont opposables (article L. 2254-1 du Code du travail ; Cass. soc., 17 oct. 2000, n° 98-42.018 ; Cass. soc., 27 juin 2002, n° 00-42.646).

Ainsi, un accord collectif ne peut modifier, sans l’accord exprĂšs des salariĂ©s concernĂ©s, les droits qu’ils tiennent de leur contrat de travail, comme le rappelle de nouveau la Cour de cassation dans un arrĂȘt rĂ©cent du 16 fĂ©vrier 2022 (Cass. soc., 16 fĂ©vrier 2022, n° 20-17.644). En l’espĂšce, l’employeur prĂ©voyait dans un accord collectif d’éventuels amĂ©nagements de la durĂ©e du travail, de la rĂ©munĂ©ration et du lieu de travail.

NĂ©anmoins, il existe des exceptions Ă  cette rĂšgle en vertu de dispositions lĂ©gales, notamment l’article L. 2254-2 du Code du travail crĂ©ant l’accord de performance collective et autorisant la primautĂ© de cet accord sur les contrats de travail antĂ©rieurs.

Les juges rĂ©affirment Ă©galement, dans cet arrĂȘt du 16 fĂ©vrier 2022, qu’il n’est pas possible de dĂ©roger aux dispositions d’ordre public par accord collectif (article L. 2251-1 du Code du travail), telles que l’application du dispositif de licenciement collectif pour motif Ă©conomique en l’espĂšce.

Le renforcement du statut du lanceur d’alerte

Par |2022-04-04T10:13:46+02:00avril 4th, 2022|actualités, actualités générales|

Le 16 fĂ©vrier dernier, le sĂ©nat a dĂ©finitivement adoptĂ© une proposition de loi visant Ă  amĂ©liorer la protection des lanceurs d’alerte. Cette loi, qui vise Ă  transposer la directive traitant du mĂȘme sujet du 23 octobre 2019 (2019/1937), entrera en vigueur 6 mois aprĂšs sa promulgation, soit potentiellement avant la fin de l’annĂ©e 2022.

En substance, elle prĂ©voit d’élargir la dĂ©finition du lanceur d’alerte en Ă©largissant le pĂ©rimĂštre des informations pour lesquelles le lanceur d’alerte n’a pas besoin de justifier d’une connaissance personnelle des faits dĂ©noncĂ©s et en complĂ©tant la liste des exclusions du rĂ©gime de l’alerte (exemple : le secret mĂ©dical, le secret professionnel de l’avocat). De plus la notion de dĂ©sintĂ©ressement financier est rĂ©visĂ©e permettant au lanceur d’alerte de conserver sa protection en cas de gain pĂ©cunier accessoire Ă  son alerte.

Les mesures protectrices liĂ©es Ă  ce statut sont Ă©tendues Ă  certaines catĂ©gories de personnes physiques ou morales proches du lanceur d’alerte (les entitĂ©s juridiques qu’il contrĂŽle, les facilitateurs qui aident Ă  lancer l’alerte, ses proches).

En outre, la procĂ©dure d’alerte est repensĂ©e en permettant au lanceur d’alerte d’opter pour un signalement interne ou externe selon son choix. Le signalement externe pourra avoir lieu auprĂšs d’une autoritĂ© compĂ©tente, dont la liste sera fixĂ©e par dĂ©cret, du DĂ©fenseur des droits, de l’autoritĂ© judiciaire ou d’une institution de l’Union europĂ©enne compĂ©tente pour recueillir des alertes.

La divulgation publique des informations recueillies ne pourra avoir lieu que si aucune rĂ©ponse appropriĂ©e aux signalements externe ou interne n’a Ă©tĂ© prise, en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ou lorsqu’un signalement externe ferait courir un risque de reprĂ©sailles ou ne permettrait pas de remĂ©dier efficacement Ă  la situation.

Enfin, un principe de non-discrimination en faveur des lanceurs d’alerte est introduit au sein d’un nouvel article L. 1121-2 du Code du travail.

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