Une preuve illicite n’est pas recevable en justice dùs lors que l’employeur dispose d’un autre moyen de preuve

Par |2023-07-17T15:20:19+02:00juillet 17th, 2023|actualités, actualités générales|

Dans un arrĂȘt du 8 mars 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation est venue complĂ©ter sa jurisprudence en matiĂšre de recevabilitĂ© de la preuve (Cass. Soc., 8 mars 2023, n°21-17.802).

Rappelons que la Haute juridiction considĂšre, depuis un arrĂȘt « AFP » du 25 novembre 2020, que l’illicĂ©itĂ© d’un moyen de preuve n’entraĂźne pas nĂ©cessairement son rejet des dĂ©bats (Cass. Soc., 25 novembre 2020, n°17-19.523).

Dans l’affaire commentĂ©e, une salariĂ©e a Ă©tĂ© licenciĂ©e pour faute grave pour vols et abus de confiance. A la suite d’un audit mis en place au sein de l’entreprise, l’employeur avait des soupçons, qui ont ensuite Ă©tĂ© confirmĂ©s par des images de vidĂ©osurveillance. La salariĂ©e a contestĂ© son licenciement. Dans le cadre du contentieux, l’employeur produisait les images de vidĂ©osurveillance, mais pas le rapport d’audit, estimant manifestement que les premiĂšres constituaient la preuve irrĂ©futable et suffisante des vols commis.

La Cour d’appel a tout d’abord considĂ©rĂ© que les images issues de la vidĂ©osurveillance Ă©taient illicites car l’employeur n’avait pas informĂ© la salariĂ©e du dispositif ni sollicitĂ© d’autorisation prĂ©fectorale.

Elle a ensuite jugĂ© que la production de la vidĂ©osurveillance n’était pas indispensable Ă  l’exercice du droit Ă  la preuve dans la mesure oĂč il existait d’autres Ă©lĂ©ments susceptibles de rĂ©vĂ©ler les irrĂ©gularitĂ©s reprochĂ©es Ă  la salariĂ©e.

La Cour de cassation a validĂ© cette interprĂ©tation, considĂ©rant que la production des enregistrements litigieux n’Ă©tait pas indispensable Ă  l’exercice du droit Ă  la preuve de l’employeur, dĂšs lors que celui-ci disposait d’un autre moyen de preuve qu’il n’avait pas versĂ© aux dĂ©bats.

En conclusion, il demeure pĂ©rilleux d’étayer un licenciement au moyen de « preuves illicites ». Cela doit rester un ultime recours.

Voir aussi : La vie privĂ©e Ă  l’Ă©preuve du droit Ă  la preuve

NullitĂ© du licenciement pour dĂ©nonciation du harcĂšlement moral : la Cour de cassation abandonne l’exigence de qualification des faits

Par |2023-07-17T15:04:34+02:00juillet 17th, 2023|actualités, actualités générales|

Le Code du travail protĂšge le salariĂ© ayant relatĂ© des agissements de harcĂšlement moral. DĂšs lors, si le salariĂ© Ă©tĂ© licenciĂ© pour avoir dĂ©noncĂ© des faits de harcĂšlement moral, son licenciement est nul, sauf en cas de mauvaise foi, c’est-Ă -dire si le salariĂ© avait connaissance de la faussetĂ© des faits dĂ©noncĂ©s (art. L. 1152-2 et L.1152-3 du Code du travail).

PrĂ©alablement Ă  l’arrĂȘt objet du prĂ©sent commentaire, la Cour de cassation conditionnait la protection du salariĂ© Ă  la qualification des faits de harcĂšlement moral (Cass. Soc., 13 septembre 2017, n° 15-23.045).

Toutefois, dans un arrĂȘt du 19 avril 2023, la Haute juridiction a assoupli sa jurisprudence (Cass. Soc., 19 avril 2023, n° 21-21.053).

En l’espĂšce, une salariĂ©e a Ă©tĂ© licenciĂ©e pour faute grave pour avoir mis en cause l’attitude et les dĂ©cisions prises sa direction. ConsidĂ©rant avoir subi et dĂ©noncĂ© des agissements de harcĂšlement moral, elle a saisi le Conseil de prud’hommes afin que la nullitĂ© de son licenciement soit reconnue. La Cour d’appel a fait droit Ă  sa demande.

L’employeur a alors formĂ© un pourvoi en cassation, en s’appuyant sur la jurisprudence de 2017 qui imposait au salariĂ© de qualifier les faits de harcĂšlement moral afin de bĂ©nĂ©ficier de la protection. L’employeur soulignait que la salariĂ©e n’avait jamais mentionnĂ© le terme de « harcĂšlement » dans son courrier ayant fondĂ© son licenciement pour faute grave.

Dans l’arrĂȘt commentĂ©, la Cour de cassation a procĂ©dĂ© Ă  un revirement de jurisprudence. Elle considĂšre dĂ©sormais que, lorsqu’au regard des termes employĂ©s par le salariĂ©, l’employeur ne pouvait lĂ©gitimement ignorer que le salariĂ© dĂ©nonçait des faits de harcĂšlement moral, alors le salariĂ© bĂ©nĂ©ficie de la protection contre le licenciement, peu important qu’il n’ait pas qualifiĂ© les faits de harcĂšlement moral au moment de leur dĂ©nonciation. En l’espĂšce, la salariĂ©e avait fait Ă©tat d’une dĂ©gradation de ses conditions de travail et de son Ă©tat de santĂ©, ce qui caractĂ©rise le harcĂšlement moral et suffit donc Ă  lui attribuer le bĂ©nĂ©fice de la protection.

En conclusion, prudence avant de licencier un salarié ayant dénoncé des faits pouvant constituer un harcÚlement moral !

Forfait jours : le mode de dĂ©compte des jours travaillĂ©s ne doit pas porter atteinte Ă  l’autonomie des salariĂ©s

Par |2023-07-11T12:00:27+02:00juillet 11th, 2023|actualités, actualités générales|

En application de l’article L. 3121-58 du Code du travail, seuls les salariĂ©s autonomes dans l’organisation de leur emploi du temps peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l’annĂ©e.

Sauf contrainte liĂ©e Ă  l’organisation du travail, cette autonomie doit ĂȘtre rĂ©elle et complĂšte, ce qui n’est pas compatible avec le fait, par exemple, de devoir respecter un planning (Cass. soc., 31 oct. 2007, n° 06-43.876).

RĂ©cemment, la Cour de cassation a jugĂ©, dans un arrĂȘt du 7 juin 2023, que le forfait jours Ă©tait incompatible avec l’obligation faite au salariĂ©, de pointer lors de chaque demi-journĂ©e de travail, ce pointage donnant lieu Ă  des relevĂ©s informatiques reprenant chaque jour les heures d’arrivĂ©e et de dĂ©part et le nombre d’heures travaillĂ©es (Cass. soc., 7 juin 2023, n° 22-10.196).

Les juges relĂšvent Ă©galement que le collaborateur concernĂ© devait comptabiliser six heures de prĂ©sence dans l’entreprise, pour qu’une journĂ©e de travail soit dĂ©comptĂ©e de son forfait, Ă©lĂ©ment qui remettait Ă©galement en cause l’autonomie du salariĂ© Ă  organiser de son emploi du temps.

La Cour de cassation en dĂ©duit donc que le salariĂ©, dĂ©pourvu d’autonomie dans la gestion de son emploi du temps, ne pouvait conclure de convention de forfait jours : il se voit alors appliquer la durĂ©e de travail de droit commun (35h/semaine) et peut, entre autres, revendiquer le paiement d’heures supplĂ©mentaires.

Cette dĂ©cision complĂšte la jurisprudence de la Cour sur le forfait jours, et tente d’en prĂ©ciser le contour en faisant cohabiter, prĂ©servation de l’autonomie du salariĂ©, critĂšre d’éligibilitĂ© du salariĂ© au forfait jours, et obligation de contrĂŽle de l’employeur. Il s’agit ici de rappeler que le contrĂŽle de l’employeur porte sur la charge de travail et le nombre de jours de travail, et ne saurait consister en des relevĂ©s horaires.

Voir aussi : Forfait jours, entre autonomie du salariĂ© et pouvoir de direction de l’employeur.

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