La rupture conventionnelle, proposée comme alternative au licenciement, est-elle valable ?

Par |2023-12-13T10:14:17+01:00décembre 13th, 2023|actualités, actualités générales|

Dans l’affaire qui a amené la Cour de cassation à se prononcer le 15 novembre 2023 (n° 22-16.957), l’employeur, après avoir constaté divers manquements du salarié l’amenant à envisager la rupture de son contrat de travail, lui avait fait la proposition suivante :

  • Accepter de rompre son contrat d’un commun accord, en signant une convention de rupture conventionnelle ;
  • Ou, à défaut, être licencié pour faute lourde.

Le salarié a fait le choix de signer une rupture conventionnelle, mais a ensuite sollicité l’annulation de cette dernière, estimant que son consentement avait été vicié, la convention ayant été signée sous la menace d’un licenciement pour faute lourde.

La Cour de cassation rappelle que l’existence, au moment de la conclusion de la convention de rupture, d’un différend entre le salarié et l’employeur n’affecte pas par elle-même la validité de la rupture conventionnelle.

En l’occurrence, la cour d’appel a constaté que le salarié n’avait pas usé de son droit de rétractation et n’établissait pas que la rupture conventionnelle avait été imposée par l’employeur. Ainsi, le salarié, qui ne rapportait pas la preuve d’un vice du consentement, a été débouté de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle.

En pratique, il n’est pas rare que l’employeur, qui envisage de licencier un salarié, lui propose de signer une rupture conventionnelle comme alternative à celui-ci. Si cette pratique n’est pas en soi prohibée, il faut garder à l’esprit qu’elle l’est tant que le consentement du salarié n’est pas altéré, ce qui peut être le cas dans un contexte de menace ou de violence exercée sur le salarié pour qu’il accepte la rupture conventionnelle (Cass. soc. 23-5-2013 n° 12-13.865 ; Cass. soc. 8-7-2020 n° 19-15.441).

Cass. soc. 15-11-2023 n° 22-16.957

Les récents apports de la Cour de cassation en matière de congés payés

Par |2023-12-01T12:47:37+01:00décembre 1st, 2023|actualités, actualités générales|

Pendant plusieurs années, la Cour de cassation a pointé la non-conformité du droit français avec le droit de l’Union européenne en matière de congés payés dans ses rapports et suggéré une réforme, sans être entendue par le législateur. Face à l’inaction de ce dernier, à la mi-septembre, la Haute juridiction a rendu plusieurs arrêts marquants en la matière. Le cabinet Norma en analyse les conséquences ci-dessous :

 

  • Dans un premier arrêt, la Cour de cassation a jugé, au visa de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qu’en cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident d’origine non professionnelle, les salariés doivent acquérir des congés payés ( Soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340), rejoignant ainsi la position européenne en la matière.

Pour rappel, il y avait une divergence entre le droit national et le droit européen sur ce point, car le Code du travail conditionne l’acquisition des congés payés à l’exécution d’un travail effectif et n’assimile pas les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie d’origine non professionnelle à du travail effectif (art. L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail).

Or, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) avait adopté une position différente, au visa de l’article 7 de la directive 2003/88 du 4 novembre 2013 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui prévoit que tout travailleur a droit à une période annuelle de congés payés, sans conditions particulières.

 

  • Dans un second arrêt, la Cour de cassation, se fondant une nouvelle fois sur l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a jugé qu’en cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident d’origine professionnelle, l’acquisition des congés payés n’est plus limitée dans le temps. Désormais, les salariés acquièrent des droits à congés pendant toute la durée de leur absence (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n°22-17.638).

Jusqu’à présent, le droit français limitait l’acquisition des congés payés au cours d’un arrêt de travail d’origine professionnelle à la première année de l’arrêt de travail (art. L. 3141-5 du Code du travail).

 

  • Dans un troisième arrêt, la Cour de cassation a jugé que ce le délai de prescription de trois ans en matière de rappel de salaire, appliqué à une demande de rappel de congés payés, ne court à compter de l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient pu être pris, qu’à condition que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n° 22-10.529).

Ainsi, dorénavant, en cas d’absence d’information du salarié par l’employeur, le délai de prescription de l’action en rappel de salaire pour les congés payés ne commence pas à courir et est donc inopposable en cas de contentieux, comme le prévoit depuis peu le droit de l’Union européenne (CJUE, 22 septembre 2022, n° C-120/21).

Cette jurisprudence est en l’état rétroactive et la Cour de cassation n’a pas précisé jusqu’à quand les salariés pourraient remonter afin de solliciter des congés payés ou une indemnité y afférant. Le conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation, Jean-Guy Huglo, est récemment revenu sur la portée des arrêts du 13 septembre 2023 et a indiqué que, selon lui, les salariés pourraient revendiquer des congés au titre des arrêts maladie depuis le 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui a donné une force juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur laquelle se sont fondées la Cour de cassation et la CJUE pour rendre leurs décisions en matière de congés payés. Une telle position devra cependant être confirmée par la jurisprudence à l’occasion d’un litige.

 

  • Enfin, dans un dernier arrêt, se conformant de nouveau au droit européen en citant notamment des arrêts de la CJUE et la directive 2010/18/UE du 8 mars 2010, la Cour de cassation a jugé que les congés payés acquis, mais non utilisés d’un salarié qui part en congé parental d’éducation sont reportés et conservés jusqu’à son retour de ce congé (Cass. Soc, 13 septembre 2023, n° 22-14.043).

Pour rappel, jusqu’à cet arrêt, la jurisprudence française, partant du principe que seule l’impossibilité de prendre les congés du fait de l’employeur pouvait donner lieu à une indemnisation, jugeait qu’un salarié partant en congé parental d’éducation sans avoir pris l’ensemble de ses congés payés en perdait le bénéfice (Cass. Soc., 5 mai 1999, n° 97-41.421 ; 28 janvier 2004, n° 01-46.314). Cela ne sera dorénavant plus le cas.

 

Ces décisions qui mettent en conformité la jurisprudence nationale avec la jurisprudence européenne vont nécessiter, outre une mise en conformité des textes du code du travail par le législateur, une adaptation des logiciels de paie des entreprises afin que ces nouveautés soient prises en compte.

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