SalariĂ© protĂ©gĂ© : pour ĂȘtre qualifiĂ© de lanceur alerte, le salariĂ© doit Ă©tayer ses accusations

Par |2024-01-25T16:14:23+01:00janvier 25th, 2024|actualités, actualités générales|

Selon l’article L. 1132-3-3 du code du travail, le salariĂ© qui dĂ©nonce, de bonne foi, des faits constitutifs d’un dĂ©lit ou d’un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, bĂ©nĂ©ficie d’une protection, notamment contre le licenciement.

Dans un arrĂȘt du 8 dĂ©cembre 2023, le Conseil d’État est venu prĂ©ciser comment s’apprĂ©cie l’exigence de bonne foi attachĂ©e au statut de lanceur d’alerte pour un salariĂ© protĂ©gĂ©.

En l’espĂšce, un reprĂ©sentant syndical avait envoyĂ© plusieurs mails Ă  des collĂšgues aux termes desquels il mettait en cause son ancien supĂ©rieur hiĂ©rarchique en l’accusant, sans plus de prĂ©cision, de commettre un « dĂ©lit d’abus de bien social », et dĂ©nonçait « une longue liste de dĂ©lits », « des affaires de clientĂ©lisme, de nĂ©potisme, de conflits d’intĂ©rĂȘts », des « prises illĂ©gales d’intĂ©rĂȘts » ainsi que les « sombres activitĂ©s de certains dirigeants ». Il avait Ă©galement qualifiĂ© son supĂ©rieur hiĂ©rarchique de « sinistre personnage » et de « truand corrompu ».

Estimant que ces accusations caractérisaient un comportement fautif, son employeur avait sollicité une autorisation de licenciement acceptée sur recours hiérarchique.

Le reprĂ©sentant syndical a alors contestĂ© cette dĂ©cision, estimant qu’elle mĂ©connaissait la protection des lanceurs d’alerte.

Dans son arrĂȘt, le Conseil d’État prĂ©cise qu’il appartient Ă  l’autoritĂ© administrative de rechercher :

  • Si les faits dĂ©noncĂ©s sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de dĂ©lit;
  • Si le salariĂ© en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, et
  • S’il peut ĂȘtre regardĂ© comme ayant agi de bonne foi.

Lorsque ces trois conditions sont remplies, l’autoritĂ© administrative doit refuser d’autoriser le licenciement.

Au cas d’espĂšce, le Conseil d’État a estimĂ©, au regard des piĂšces du dossier, que les accusations profĂ©rĂ©es par le salariĂ© Ă©taient rĂ©digĂ©es en des termes gĂ©nĂ©raux et outranciers, et qu’il n’a jamais Ă©tĂ© en mesure de les prĂ©ciser, ou de les Ă©tayer par le moindre Ă©lĂ©ment, malgrĂ© les demandes de prĂ©cision de la direction.

Les juges en ont alors dĂ©duit que la condition liĂ©e Ă  la bonne foi du salariĂ©, nĂ©cessaire Ă  l’application de la protection du lanceur d’alerte, n’était pas remplie, et ont jugĂ© que le licenciement pour faute pouvait ĂȘtre autorisĂ©.

On constate donc que le Conseil d’État a une apprĂ©ciation plus large de la bonne foi que celle retenue par la Cour de cassation qui estime que la mauvaise foi ne peut rĂ©sulter que de la connaissance de la faussetĂ© des faits dĂ©noncĂ©s par le salariĂ©, et non de la seule circonstance que les faits dĂ©noncĂ©s ne sont pas Ă©tablis (Cass., soc., 13 sept 2023, n° 21-22.301).

Les employeurs, confrontĂ©s Ă  une telle situation, devront donc ĂȘtre vigilants avant de lancer une procĂ©dure de licenciement, l’apprĂ©ciation de la bonne foi n’étant, Ă  date, pas la mĂȘme selon que le salariĂ© soit protĂ©gĂ© ou non.

Conseil d’État, 4Ăšme – 1Ăšre chambres rĂ©unies, 08/12/2023, 435266

Contestation de l’avis d’inaptitude : point de dĂ©part du dĂ©lai de recours et limitation des Ă©lĂ©ments mĂ©dicaux transmis au mĂ©decin mandatĂ© par l’employeur

Par |2024-01-22T10:24:16+01:00janvier 22nd, 2024|actualités, actualités générales|

L’avis d’inaptitude Ă©mis par le mĂ©decin du travail peut ĂȘtre contestĂ© par les parties au contrat de travail devant le Conseil de prud’hommes dans un dĂ©lai de 15 jours Ă  compter de sa notification. Afin de l’éclairer, la juridiction peut confier toute mesure d’instruction au mĂ©decin inspecteur du travail. De son cĂŽtĂ©, l’employeur a la possibilitĂ© de mandater un mĂ©decin pour garantir le respect du contradictoire (art. L.4624-7 et R.4624-45 du Code du travail).

Dans un arrĂȘt du 13 dĂ©cembre 2023, la Cour de cassation rappelle qu’en l’absence de preuve de la notification de l’avis d’inaptitude, le dĂ©lai de contestation ne court pas (Cass. Soc., 13 dĂ©c. 2023, n°21-22.401 et 22-21.168).

Dans l’affaire commentĂ©e, l’employeur s’appuyait sur un courriel du mĂ©decin du travail attestant que la salariĂ©e s’Ă©tait rendue personnellement dans les locaux de la mĂ©decine du travail pour rĂ©cupĂ©rer son avis au cours de la semaine du 26 au 30 aoĂ»t 2019 pour soutenir que l’action engagĂ©e le 20 septembre 2019 Ă©tait prescrite. Or, aprĂšs avoir constatĂ© qu’aucun Ă©lĂ©ment ne permettait de retenir que l’avis dactylographiĂ©, mentionnant les voies et dĂ©lais de recours, avait Ă©tĂ© remis personnellement Ă  la salariĂ©e Ă  l’issue de la visite, la Cour de cassation a rejetĂ© son pourvoi.

De plus, la Haute juridiction limite les Ă©lĂ©ments mĂ©dicaux que le mĂ©decin inspecteur du travail est tenu de communiquer au mĂ©decin mandatĂ© par l’employeur. Il s’agit des Ă©lĂ©ments mĂ©dicaux ayant fondĂ© les avis, propositions, conclusions Ă©crites ou indications Ă©mis par le mĂ©decin du travail, Ă  l’exclusion de tout autre Ă©lĂ©ment portĂ© Ă  sa connaissance dans le cadre de l’exĂ©cution de sa mission.

En l’espĂšce, l’employeur invoquait une atteinte au principe du contradictoire caractĂ©risĂ©e par le refus du mĂ©decin inspecteur du travail de transmettre certains Ă©lĂ©ments au mĂ©decin qu’il avait mandatĂ©. Toutefois, la Haute juridiction n’a pas cĂ©dĂ©, protĂ©geant ainsi le secret professionnel.

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