Plusieurs affaires emblématiques ont révélé la problématique de la qualification de la relation contractuelle des travailleurs des plateformes. Si, à plusieurs reprises, la Cour de cassation a qualifié celle-ci en contrat de travail pour les travailleurs des plateformes Take Eat Easy (Cass.soc., 28 novembre 2018, n°17-20.079) et Uber (Cass.soc., 4 mars 2020, n°19-13.316), cette qualification est loin d’être systématique.

En effet, par une décision en date du 7 avril 2021, la Cour d’appel de Paris a rejeté la demande de requalification du contrat de prestation d’un livreur de la plateforme de livraison de repas Deliveroo en contrat de travail.

Après avoir signé un contrat de prestation de service avec la société Deliveroo, un livreur voit son contrat résilié. Il saisit alors le Conseil de prud’hommes de Paris aux fins de requalification de son contrat. Au soutient de sa demande, il invoque l’existence d’instructions strictes de la part de la société concernant les tarifs, la tenue vestimentaire, la fixation des horaires de travail, un contrôle de géolocalisation et enfin la possibilité pour la société de pratiquer des retenus tarifaires. Pour le livreur, ces indices font transparaitre l’existence d’un lien de subordination avec la société Deliveroo devant entrainer la requalification de son contrat de prestation de service en contrat de travail.

Par la technique du faisceau d’indice, la Cour d’appel a analysé point par point les arguments avancés par le livreur au regard de la définition du lien de subordination posée par la Cour de cassation (Cass.soc., 13 novembre 1996, n°94-13.187) :

  • S’agissant de la fixation des tarifs, de la tenue vestimentaire et des horaires de travail, la Cour d’appel a relevé que le travailleur jouissait d’une liberté dans la fixation des jours et horaires de travail, qu’il n’avait aucune obligation de porter une tenue avec le logo de la société et qu’il pouvait librement négocier sa rémunération. Dès lors, aucun pouvoir de direction ne pouvait être caractérisé ;
  • S’agissant du dispositif de géolocalisation, la Cour d’appel a considéré que ce dispositif était inhérent au service de mise en relation entre les restaurants partenaires et les livreurs de sorte qu’il ne peut être assimilé à un système de contrôle hiérarchique.
  • Enfin s’agissant des retenues financières, la Cour d’appel a relevé que ce mécanisme était expressément prévu par contrat pour certains cas limitatifs (articles manquants dans une livraison, absence injustifiée etc). En conséquence, aucun pouvoir de sanction de la part de la société Deliveroo ne pouvait être caractérisé.

Dans ces conditions, la Cour d’appel a débouté le livreur de sa demande de requalification en contrat de travail en ce que les critères du lien de subordination n’étaient pas réunis, confirmant le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris.