Rappels sur le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle

Par |2024-05-30T10:31:46+02:0030 mai 2024|actualités, actualités générales|

A travers un arrêt récent, la Cour de cassation fait quelques rappels sur le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle (Cass. soc., 07 mai 2024, n°22-10.905) :

1/ Tout d’abord, la Cour rappelle que les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que (i) l’inaptitude du salarié a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et (ii) que l’employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.

Tel était le cas en l’espèce dès lors que l’employeur savait que l’accident du travail était à l’origine du premier arrêt de travail du salarié et que ce dernier n’avait jamais repris le travail depuis la date de l’accident jusqu’à la rupture du contrat.

2/ Ensuite, forte de cette conclusion, la Cour retient que l’inaptitude du salarié était d’origine professionnelle et que ce dernier pouvait, à ce titre, bénéficier d’une indemnité d’un montant égal à l’indemnité compensatrice de préavis.

Toutefois, elle rappelle que cette indemnité n’a pas la nature d’une indemnité de préavis et n’ouvre donc pas droit à congés payés.

3/ Enfin, la Cour évoque les conséquences de l’absence d’information du salarié, par l’employeur, des motifs rendant impossible son reclassement (obligation découlant de l’article L. 1226-12 du Code du travail, lorsque l’employeur n’est pas dispensé de l’obligation de rechercher un reclassement).

Elle vient ainsi préciser que la méconnaissance par l’employeur de cette obligation n’expose pas celui-ci aux sanctions prévues par l’article L. 1226-15 du Code du travail (qui renvoie lui-même à l’article L. 1235-3-1 du Code du travail : « indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois »), mais le rend redevable d’une indemnité en réparation du préjudice subi.

Autrement dit, le salarié doit démontrer l’existence d’un préjudice et en justifier l’étendue pour bénéficier de dommages et intérêts au titre de la violation par l’employeur de son obligation de l’informer des motifs rendant impossible son reclassement. Le préjudice lié à l’absence d’information écrite n’est plus automatique, complexifiant ainsi la tâche du salarié.

Voir aussi : Contestation de l’avis d’inaptitude : point de départ du délai de recours et limitation des éléments médicaux transmis au médecin mandaté par l’employeur

La Cour de cassation reconnait encore de nouveaux préjudices automatiques

Par |2024-04-10T17:59:24+02:009 avril 2024|actualités, actualités générales|

 

Jusqu’en 2016, la Cour de cassation appliquait la théorie du préjudice automatique afin d’indemniser des salariés en raison du manquement de l’employeur à ses obligations, sans qu’il ne soit nécessaire de démontrer un préjudice pour le salarié.

En 2016, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence et juge depuis que le salarié doit rapporter la preuve d’un préjudice afin d’être indemnisé (Cass. Soc. 13 avril 2016, n° 14-28.293).

Ce revirement n’est cependant pas total et la théorie du préjudice automatique a notamment subsisté en matière de durée maximale du travail (Cass. Soc., 26 janvier 2022, n° 20-21.636 ; Cass. Soc., 11 mai 2023, n° 21-22.281 ; Cass. Soc., 27 septembre 2023, n° 21-24.782).

Dans deux récents arrêts, la Cour de cassation a une nouvelle fois appliqué cette théorie du préjudice automatique :

  • En matière de non-respect du temps de repos journalier d’un salarié prévu par un accord collectif. À notre connaissance, c’est la première fois que la Cour de cassation applique la théorie du préjudice automatique s’agissant d’une disposition conventionnelle plus favorable que la loi (Cass. Soc., 7 février 2024, n° 21-22.80) ;
  • En matière de droit à l’image d’un salarié dont l’employeur avait usé sans obtenir l’accord de l’intéressé (Cass. Soc., 14 février 2024, n° 22-18.014).

Dans ces deux nouveaux cas, le salarié faisant une demande de dommages-intérêts n’a pas à justifier de son préjudice pour obtenir une indemnisation, même si le montant restera toujours à l’appréciation des juges du fond.

La recevabilité de la production de données personnelles issues d’un système de vidéosurveillance

Par |2024-04-09T18:18:40+02:009 avril 2024|actualités, actualités générales|

La Cour de cassation a rendu récemment un arrêt qui démontre un infléchissement en matière de preuve illicite (Cass. soc., 14 février 2024, n° 22-23.073).

Dans cette espèce, une société constate des anomalies dans ses stocks et soupçonne d’abord un vol par des clients. Toutefois, à la suite du visionnage des enregistrements issus de la vidéo protection, cette hypothèse est écartée.

La responsable de la société décide alors de suivre les produits lors de leur passage en caisse et de croiser les séquences vidéo sur lesquelles apparaissaient les ventes de la journée avec les relevés des journaux informatiques de vente.

En moins de deux semaines, elle a alors relevé au total dix-neuf anomalies graves à la caisse d’une salariée, entraînant ainsi son licenciement pour faute grave.

Cette salariée conteste cette rupture en soulevant que la preuve des griefs qui lui sont reprochés est illicite dès lors qu’il s’agit de l’utilisation disproportionnée de données personnelles issues d’un système de vidéosurveillance.

Toutefois, les juges du fond ont souligné que le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps, dans un contexte de disparition de stocks, après des premières recherches restées infructueuses et avait été réalisé par la seule dirigeante de l’entreprise.

Ils en ont donc déduit que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi, à savoir le droit de veiller à la protection de ses biens, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables.

La Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel, et considère qu’elle a mis en balance de manière circonstanciée le droit de la salariée au respect de sa vie privée et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l’entreprise.

Attention toutefois, cela ne signifie pas que l’utilisation d’images issues d’un système de vidéosurveillance sera systématiquement considérée par les juges comme licite. Cette utilisation doit être indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au regard du but poursuivi par l’employeur.

Salarié protégé : pour être qualifié de lanceur alerte, le salarié doit étayer ses accusations

Par |2024-01-25T16:14:23+01:0025 janvier 2024|actualités, actualités générales|

Selon l’article L. 1132-3-3 du code du travail, le salarié qui dénonce, de bonne foi, des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, bénéficie d’une protection, notamment contre le licenciement.

Dans un arrêt du 8 décembre 2023, le Conseil d’État est venu préciser comment s’apprécie l’exigence de bonne foi attachée au statut de lanceur d’alerte pour un salarié protégé.

En l’espèce, un représentant syndical avait envoyé plusieurs mails à des collègues aux termes desquels il mettait en cause son ancien supérieur hiérarchique en l’accusant, sans plus de précision, de commettre un « délit d’abus de bien social », et dénonçait « une longue liste de délits », « des affaires de clientélisme, de népotisme, de conflits d’intérêts », des « prises illégales d’intérêts » ainsi que les « sombres activités de certains dirigeants ». Il avait également qualifié son supérieur hiérarchique de « sinistre personnage » et de « truand corrompu ».

Estimant que ces accusations caractérisaient un comportement fautif, son employeur avait sollicité une autorisation de licenciement acceptée sur recours hiérarchique.

Le représentant syndical a alors contesté cette décision, estimant qu’elle méconnaissait la protection des lanceurs d’alerte.

Dans son arrêt, le Conseil d’État précise qu’il appartient à l’autorité administrative de rechercher :

  • Si les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit;
  • Si le salarié en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, et
  • S’il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi.

Lorsque ces trois conditions sont remplies, l’autorité administrative doit refuser d’autoriser le licenciement.

Au cas d’espèce, le Conseil d’État a estimé, au regard des pièces du dossier, que les accusations proférées par le salarié étaient rédigées en des termes généraux et outranciers, et qu’il n’a jamais été en mesure de les préciser, ou de les étayer par le moindre élément, malgré les demandes de précision de la direction.

Les juges en ont alors déduit que la condition liée à la bonne foi du salarié, nécessaire à l’application de la protection du lanceur d’alerte, n’était pas remplie, et ont jugé que le licenciement pour faute pouvait être autorisé.

On constate donc que le Conseil d’État a une appréciation plus large de la bonne foi que celle retenue par la Cour de cassation qui estime que la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits dénoncés par le salarié, et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis (Cass., soc., 13 sept 2023, n° 21-22.301).

Les employeurs, confrontés à une telle situation, devront donc être vigilants avant de lancer une procédure de licenciement, l’appréciation de la bonne foi n’étant, à date, pas la même selon que le salarié soit protégé ou non.

Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 08/12/2023, 435266

Contestation de l’avis d’inaptitude : point de départ du délai de recours et limitation des éléments médicaux transmis au médecin mandaté par l’employeur

Par |2024-01-22T10:24:16+01:0022 janvier 2024|actualités, actualités générales|

L’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail peut être contesté par les parties au contrat de travail devant le Conseil de prud’hommes dans un délai de 15 jours à compter de sa notification. Afin de l’éclairer, la juridiction peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail. De son côté, l’employeur a la possibilité de mandater un médecin pour garantir le respect du contradictoire (art. L.4624-7 et R.4624-45 du Code du travail).

Dans un arrêt du 13 décembre 2023, la Cour de cassation rappelle qu’en l’absence de preuve de la notification de l’avis d’inaptitude, le délai de contestation ne court pas (Cass. Soc., 13 déc. 2023, n°21-22.401 et 22-21.168).

Dans l’affaire commentée, l’employeur s’appuyait sur un courriel du médecin du travail attestant que la salariée s’était rendue personnellement dans les locaux de la médecine du travail pour récupérer son avis au cours de la semaine du 26 au 30 août 2019 pour soutenir que l’action engagée le 20 septembre 2019 était prescrite. Or, après avoir constaté qu’aucun élément ne permettait de retenir que l’avis dactylographié, mentionnant les voies et délais de recours, avait été remis personnellement à la salariée à l’issue de la visite, la Cour de cassation a rejeté son pourvoi.

De plus, la Haute juridiction limite les éléments médicaux que le médecin inspecteur du travail est tenu de communiquer au médecin mandaté par l’employeur. Il s’agit des éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, à l’exclusion de tout autre élément porté à sa connaissance dans le cadre de l’exécution de sa mission.

En l’espèce, l’employeur invoquait une atteinte au principe du contradictoire caractérisée par le refus du médecin inspecteur du travail de transmettre certains éléments au médecin qu’il avait mandaté. Toutefois, la Haute juridiction n’a pas cédé, protégeant ainsi le secret professionnel.

La rupture conventionnelle, proposée comme alternative au licenciement, est-elle valable ?

Par |2023-12-13T10:14:17+01:0013 décembre 2023|actualités, actualités générales|

Dans l’affaire qui a amené la Cour de cassation à se prononcer le 15 novembre 2023 (n° 22-16.957), l’employeur, après avoir constaté divers manquements du salarié l’amenant à envisager la rupture de son contrat de travail, lui avait fait la proposition suivante :

  • Accepter de rompre son contrat d’un commun accord, en signant une convention de rupture conventionnelle ;
  • Ou, à défaut, être licencié pour faute lourde.

Le salarié a fait le choix de signer une rupture conventionnelle, mais a ensuite sollicité l’annulation de cette dernière, estimant que son consentement avait été vicié, la convention ayant été signée sous la menace d’un licenciement pour faute lourde.

La Cour de cassation rappelle que l’existence, au moment de la conclusion de la convention de rupture, d’un différend entre le salarié et l’employeur n’affecte pas par elle-même la validité de la rupture conventionnelle.

En l’occurrence, la cour d’appel a constaté que le salarié n’avait pas usé de son droit de rétractation et n’établissait pas que la rupture conventionnelle avait été imposée par l’employeur. Ainsi, le salarié, qui ne rapportait pas la preuve d’un vice du consentement, a été débouté de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle.

En pratique, il n’est pas rare que l’employeur, qui envisage de licencier un salarié, lui propose de signer une rupture conventionnelle comme alternative à celui-ci. Si cette pratique n’est pas en soi prohibée, il faut garder à l’esprit qu’elle l’est tant que le consentement du salarié n’est pas altéré, ce qui peut être le cas dans un contexte de menace ou de violence exercée sur le salarié pour qu’il accepte la rupture conventionnelle (Cass. soc. 23-5-2013 n° 12-13.865 ; Cass. soc. 8-7-2020 n° 19-15.441).

Cass. soc. 15-11-2023 n° 22-16.957

Les récents apports de la Cour de cassation en matière de congés payés

Par |2023-12-01T12:47:37+01:001 décembre 2023|actualités, actualités générales|

Pendant plusieurs années, la Cour de cassation a pointé la non-conformité du droit français avec le droit de l’Union européenne en matière de congés payés dans ses rapports et suggéré une réforme, sans être entendue par le législateur. Face à l’inaction de ce dernier, à la mi-septembre, la Haute juridiction a rendu plusieurs arrêts marquants en la matière. Le cabinet Norma en analyse les conséquences ci-dessous :

 

  • Dans un premier arrêt, la Cour de cassation a jugé, au visa de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qu’en cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident d’origine non professionnelle, les salariés doivent acquérir des congés payés ( Soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340), rejoignant ainsi la position européenne en la matière.

Pour rappel, il y avait une divergence entre le droit national et le droit européen sur ce point, car le Code du travail conditionne l’acquisition des congés payés à l’exécution d’un travail effectif et n’assimile pas les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie d’origine non professionnelle à du travail effectif (art. L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail).

Or, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) avait adopté une position différente, au visa de l’article 7 de la directive 2003/88 du 4 novembre 2013 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui prévoit que tout travailleur a droit à une période annuelle de congés payés, sans conditions particulières.

 

  • Dans un second arrêt, la Cour de cassation, se fondant une nouvelle fois sur l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a jugé qu’en cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident d’origine professionnelle, l’acquisition des congés payés n’est plus limitée dans le temps. Désormais, les salariés acquièrent des droits à congés pendant toute la durée de leur absence (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n°22-17.638).

Jusqu’à présent, le droit français limitait l’acquisition des congés payés au cours d’un arrêt de travail d’origine professionnelle à la première année de l’arrêt de travail (art. L. 3141-5 du Code du travail).

 

  • Dans un troisième arrêt, la Cour de cassation a jugé que ce le délai de prescription de trois ans en matière de rappel de salaire, appliqué à une demande de rappel de congés payés, ne court à compter de l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient pu être pris, qu’à condition que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n° 22-10.529).

Ainsi, dorénavant, en cas d’absence d’information du salarié par l’employeur, le délai de prescription de l’action en rappel de salaire pour les congés payés ne commence pas à courir et est donc inopposable en cas de contentieux, comme le prévoit depuis peu le droit de l’Union européenne (CJUE, 22 septembre 2022, n° C-120/21).

Cette jurisprudence est en l’état rétroactive et la Cour de cassation n’a pas précisé jusqu’à quand les salariés pourraient remonter afin de solliciter des congés payés ou une indemnité y afférant. Le conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation, Jean-Guy Huglo, est récemment revenu sur la portée des arrêts du 13 septembre 2023 et a indiqué que, selon lui, les salariés pourraient revendiquer des congés au titre des arrêts maladie depuis le 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui a donné une force juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur laquelle se sont fondées la Cour de cassation et la CJUE pour rendre leurs décisions en matière de congés payés. Une telle position devra cependant être confirmée par la jurisprudence à l’occasion d’un litige.

 

  • Enfin, dans un dernier arrêt, se conformant de nouveau au droit européen en citant notamment des arrêts de la CJUE et la directive 2010/18/UE du 8 mars 2010, la Cour de cassation a jugé que les congés payés acquis, mais non utilisés d’un salarié qui part en congé parental d’éducation sont reportés et conservés jusqu’à son retour de ce congé (Cass. Soc, 13 septembre 2023, n° 22-14.043).

Pour rappel, jusqu’à cet arrêt, la jurisprudence française, partant du principe que seule l’impossibilité de prendre les congés du fait de l’employeur pouvait donner lieu à une indemnisation, jugeait qu’un salarié partant en congé parental d’éducation sans avoir pris l’ensemble de ses congés payés en perdait le bénéfice (Cass. Soc., 5 mai 1999, n° 97-41.421 ; 28 janvier 2004, n° 01-46.314). Cela ne sera dorénavant plus le cas.

 

Ces décisions qui mettent en conformité la jurisprudence nationale avec la jurisprudence européenne vont nécessiter, outre une mise en conformité des textes du code du travail par le législateur, une adaptation des logiciels de paie des entreprises afin que ces nouveautés soient prises en compte.

L’employeur ne peut pas conditionner le remboursement des trajets domicile-travail à un critère d’éloignement géographique

Par |2023-10-20T15:40:19+02:0020 octobre 2023|actualités, actualités générales|

En application des articles L. 3261-2 et R. 3261-1 du Code du travail, l’employeur doit prendre en charge, à hauteur de 50% minimum, le prix des titres d’abonnements souscrits par les salariés pour les déplacements accomplis au moyen d’un transport public entre leur résidence habituelle et le lieu de travail.

Selon la Cour de cassation, l’employeur a l’obligation de prendre en charge les abonnements transports des salariés, quand bien même ils auraient choisi de vivre loin de leur lieu de travail (Cass. soc. 12-12-2012 n° 11-25.089).

Pour l’administration, l’obligation de prise en charge des frais de transports est de portée générale : les salariés qui ont établi leur résidence habituelle loin de leur lieu de travail, même pour des convenances personnelles, doivent en bénéficier (BOSS-FP-530).

Récemment, la Cour d’appel de Paris a rappelé, dans un arrêt du 14 septembre 2023, que l’employeur devait bien rembourser les frais de transport des salariés, quel que soit leur lieu de résidence.

Dans cette affaire, les salariés résidant dans une autre région que la région parisienne, et dont le temps de trajet entre leur domicile et le lieu de travail était supérieur à 4 heures de transports en train aller-retour, étaient exclus de la prise en charge financière de leurs abonnements, dès lors que cet éloignement géographique résultait de convenances personnelles.

Sans surprise, les juges ont estimé que l’employeur ne pouvait conditionner le remboursement des frais de transport en commun à un critère d’éloignement géographique, et l’employeur a été condamné à régulariser la situation.

CA Paris 14-9-2023 n° 22/14610.

L’enregistrement à l’insu de l’employeur n’est pas constitutif d’un délit d’atteinte à la vie privée

Par |2023-10-17T12:42:58+02:0017 octobre 2023|actualités, actualités générales|

La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 12 avril 2023 (n° 22-83.581) que l’enregistrement de l’employeur à son insu, par un délégué syndical ayant assisté un salarié lors d’un entretien préalable à un licenciement, n’était pas constitutif d’un délit d’atteinte à la vie privée prévu par l’article 226-1 du code pénal.

Selon la chambre criminelle, pour être constitué, un tel délit doit réunir les conditions cumulatives suivantes :

  • Un enregistrement au moyen d’un appareil quelconque ;
  • Des paroles prononcées dans un lieu privé par une personne sans consentement ;
  • Des paroles portant relevant de la sphère privée et intime.

Au cas d’espèce, les juges ont considéré que la dernière condition n’était pas remplie, car les propos enregistrés provenaient d’une conversation dans un cadre professionnel. Ils ont donc rejeté toute responsabilité du délégué syndical.

La Cour de cassation confirme ainsi une jurisprudence antérieure où elle avait validé un raisonnement analogue dans le cas où un salarié avait enregistré les propos d’un collègue lors d’un échange dans le bureau de ce dernier (Crim 16 janvier 1990, n° 89-83.075).

Cette confirmation de la jurisprudence de la chambre criminelle doit amener les employeurs à davantage de précautions lors des échanges avec les salariés, d’autant plus depuis que la chambre sociale a fait évoluer sa jurisprudence sur la recevabilité de preuves issues de dispositifs illicites, acceptant leur production sous réserve d’un contrôle de proportionnalité entre le droit au respect à la vie privée et le droit à la preuve.

Dispense de reclassement du salarié inapte : attention à la rédaction de l’avis d’inaptitude

Par |2023-10-10T12:10:06+02:0010 octobre 2023|actualités, actualités générales|

Dans une affaire soumise à la Cour de cassation le 13 septembre 2023 (n°22-12.970), les juges se sont prononcés sur la dispense expresse de reclassement d’un salarié déclaré inapte à son poste par le médecin du travail.

Le médecin du travail avait indiqué dans l’avis d’inaptitude que « Tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».

L’employeur a alors estimé qu’il était expressément dispensé, par le médecin du travail, de rechercher un emploi où reclasser le salarié inapte. Le salarié a donc été licencié pour inaptitude, sans que l’employeur n’effectue de recherches de reclassement.

Estimant que l’avis d’inaptitude ne dispensait par l’employeur de cette recherche de reclassement, le salarié a contesté son licenciement.

La Cour de cassation rappelle que lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudice à sa santé ou que l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur est effectivement dispensé de chercher un reclassement.

Or, dans cette affaire, le médecin du travail avait indiqué que tout maintien du salarié dans un emploi de cette entreprise, serait gravement préjudiciable à la santé du salarié.

Pour les juges, cette indication n’impliquait pas l’éloignement du salarié de toute situation de travail, et ne dispensait pas l’employeur de procéder aux recherches de reclassement.

Les juges estiment donc que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement et le licenciement pour inaptitude physique est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La décision peut paraitre sévère à l’égard de l’employeur, mais est, en réalité, conforme à la position du législateur qui a souhaité réserver la dispense aux seuls cas dans lesquels le salarié est inapte à tout emploi, quel qu’il soit.

Cette décision incite à la vigilance quant à la rédaction de l’avis d’inaptitude. En cas de doute sur la formulation utilisée par le médecin du travail, nous vous conseillons de solliciter ce dernier, pour obtenir une précision sur la portée de l’avis d’inaptitude.

Cour de cassation le 13 septembre 2023, n°22-12.970

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