Covid-19 : imposer la prise de jours de RTT seulement si l’entreprise justifie de difficultĂ©s Ă©conomiques

Par |2021-06-04T14:49:52+02:00mai 19th, 2021|actualités générales|

L’ordonnance nÂș 2020-323 du 25 mars 2020 prĂ©voit la possibilitĂ© pour l’employeur, d’imposer ou de modifier, dans la limite de 10 jours et sous rĂ©serve de respecter un dĂ©lai de prĂ©venance d’au moins 1 jour franc, la prise de jours de RTT, de jours du forfait jours ou des droits affectĂ©s sur le CET.

L’ordonnance indique que ce dispositif dĂ©rogatoire est possible « lorsque l’intĂ©rĂȘt de l’entreprise le justifie eu Ă©gard aux difficultĂ©s Ă©conomiques liĂ©es Ă  la propagation du Covid-19 ».

ArrĂȘtons-nous sur cette notion de « difficultĂ©s Ă©conomiques liĂ©es Ă  la propagation du Covid-19 » Ă  la lumiĂšre de la dĂ©cision de la Cour d’appel de Paris du 1er avril 2021 (n° 20/12215).

Pour la Cour d’appel de Paris :

  1. L’ordonnance du 25 mars 2020 prĂ©voit expressĂ©ment et clairement que ces mesures dĂ©rogatoires ne peuvent intervenir que lorsque l’intĂ©rĂȘt de l’entreprise le justifie eu Ă©gard aux difficultĂ©s Ă©conomiques liĂ©es Ă  la propagation du Covid-19.
  2. Et qu’il appartient Ă  l’employeur de rapporter la preuve de ces difficultĂ©s.

En l’espĂšce, pour justifier l’usage de ce dispositif dĂ©rogatoire, la sociĂ©tĂ© avançait, au titre des difficultĂ©s Ă©conomiques, deux arguments :

  • La nĂ©cessitĂ© d’adapter son organisation face Ă  une augmentation inattendue de l’absentĂ©isme tenant au fait qu’une partie de ses collaborateurs se trouvaient Ă  leur domicile sans pouvoir exercer leur activitĂ© en tĂ©lĂ©travail ;
  • La nĂ©cessitĂ© d’amĂ©nager les espaces de travail et d’adapter le taux d’occupation des locaux en raison des conditions sanitaires.
  1. Pour la Cour, les difficultĂ©s d’organisation et l’absentĂ©isme liĂ©s Ă  la pandĂ©mie ne suffisent pas Ă  caractĂ©riser l’existence de difficultĂ©s Ă©conomiques.

Elle estime que cet argument ne répond donc pas à la notion de difficultés économiques liées à la propagation du virus et décide que les notes de services imposant la prise de jours de repos constituent un trouble manifestement illicite. (Elle déboute néanmoins le syndicat de sa demande de recréditer les jours de repos, estimant que seul le CPH est compétent pour statuer sur ce point).

A la lecture de cette dĂ©cision on peut lĂ©gitimement s’interroger sur la notion de « difficultĂ©s Ă©conomiques liĂ©s Ă  la propagation du Covid-19 ». Faut-il se rĂ©fĂ©rer aux « difficultĂ©s Ă©conomiques » telles que prĂ©vues Ă  l’article L. 1233-3 du Code du travail relatif aux licenciement pour motif Ă©conomique ? La Cour n’y rĂ©pond pas et se livre Ă  une lecture qui aurait tout autant pu ĂȘtre inverse. En effet, la loi d’habilitation du 23 mars 2020 autorise l’employeur Ă  imposer des jours de repos « afin de faire face aux consĂ©quences Ă©conomiques, financiĂšres et sociales de la propagation de l’Ă©pidĂ©mie de covid-19 ». Elle n’évoque pas des « difficultĂ©s » mais des « consĂ©quences » liĂ©es Ă  l’épidĂ©mie.

A ce jour, il existe donc une insĂ©curitĂ© juridique sur ce point. Dans l’attente de la dĂ©cision de la Cour de cassation qui a Ă©tĂ© saisie, nous invitons les entreprises Ă  ĂȘtre vigilantes sur cette question et Ă  s’assurer, avant d’imposer des jours sur la base du dispositif dĂ©rogatoire, de pouvoir, le cas Ă©chĂ©ant, motiver leur dĂ©cision par des « difficultĂ©s Ă©conomiques » et non par de « simples consĂ©quences Ă©conomiques » liĂ©es Ă  l’épidĂ©mie.

A noter :

Ce dispositif dĂ©rogatoire est prolongĂ© jusqu’au 30 juin 2021 voire jusqu’au 15 septembre 2021 selon le projet de loi relatif Ă  la gestion de la sortie de crise sanitaire.

Le projet de loi envisage Ă©galement la possibilitĂ©, dans le cadre d’un accord collectif, d’imposer la prise de jours de congĂ©s payĂ©s acquis qui ne serait plus limitĂ© Ă  6, mais Ă  8 jours ouvrables.

Deliveroo : la requalification en contrat de travail est rejetĂ©e par la Cour d’appel de Paris

Par |2021-05-31T18:01:03+02:00mai 18th, 2021|actualités générales|

Plusieurs affaires emblĂ©matiques ont rĂ©vĂ©lĂ© la problĂ©matique de la qualification de la relation contractuelle des travailleurs des plateformes. Si, Ă  plusieurs reprises, la Cour de cassation a qualifiĂ© celle-ci en contrat de travail pour les travailleurs des plateformes Take Eat Easy (Cass.soc., 28 novembre 2018, n°17-20.079) et Uber (Cass.soc., 4 mars 2020, n°19-13.316), cette qualification est loin d’ĂȘtre systĂ©matique.

En effet, par une dĂ©cision en date du 7 avril 2021, la Cour d’appel de Paris a rejetĂ© la demande de requalification du contrat de prestation d’un livreur de la plateforme de livraison de repas Deliveroo en contrat de travail.

AprĂšs avoir signĂ© un contrat de prestation de service avec la sociĂ©tĂ© Deliveroo, un livreur voit son contrat rĂ©siliĂ©. Il saisit alors le Conseil de prud’hommes de Paris aux fins de requalification de son contrat. Au soutient de sa demande, il invoque l’existence d’instructions strictes de la part de la sociĂ©tĂ© concernant les tarifs, la tenue vestimentaire, la fixation des horaires de travail, un contrĂŽle de gĂ©olocalisation et enfin la possibilitĂ© pour la sociĂ©tĂ© de pratiquer des retenus tarifaires. Pour le livreur, ces indices font transparaitre l’existence d’un lien de subordination avec la sociĂ©tĂ© Deliveroo devant entrainer la requalification de son contrat de prestation de service en contrat de travail.

Par la technique du faisceau d’indice, la Cour d’appel a analysĂ© point par point les arguments avancĂ©s par le livreur au regard de la dĂ©finition du lien de subordination posĂ©e par la Cour de cassation (Cass.soc., 13 novembre 1996, n°94-13.187) :

  • S’agissant de la fixation des tarifs, de la tenue vestimentaire et des horaires de travail, la Cour d’appel a relevĂ© que le travailleur jouissait d’une libertĂ© dans la fixation des jours et horaires de travail, qu’il n’avait aucune obligation de porter une tenue avec le logo de la sociĂ©tĂ© et qu’il pouvait librement nĂ©gocier sa rĂ©munĂ©ration. DĂšs lors, aucun pouvoir de direction ne pouvait ĂȘtre caractĂ©risĂ© ;
  • S’agissant du dispositif de gĂ©olocalisation, la Cour d’appel a considĂ©rĂ© que ce dispositif Ă©tait inhĂ©rent au service de mise en relation entre les restaurants partenaires et les livreurs de sorte qu’il ne peut ĂȘtre assimilĂ© Ă  un systĂšme de contrĂŽle hiĂ©rarchique.
  • Enfin s’agissant des retenues financiĂšres, la Cour d’appel a relevĂ© que ce mĂ©canisme Ă©tait expressĂ©ment prĂ©vu par contrat pour certains cas limitatifs (articles manquants dans une livraison, absence injustifiĂ©e etc). En consĂ©quence, aucun pouvoir de sanction de la part de la sociĂ©tĂ© Deliveroo ne pouvait ĂȘtre caractĂ©risĂ©.

Dans ces conditions, la Cour d’appel a dĂ©boutĂ© le livreur de sa demande de requalification en contrat de travail en ce que les critĂšres du lien de subordination n’étaient pas rĂ©unis, confirmant le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris.

HarcĂšlement moral : l’enquĂȘte interne peut se dĂ©rouler sans que le salariĂ© mis en cause ne soit prĂ©venu ni entendu

Par |2021-06-04T14:52:28+02:00mai 18th, 2021|A la une, actualités, actualités générales|

En cas de dĂ©nonciation de harcĂšlement moral, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nĂ©cessaires en vue de prĂ©venir ou de faire cesser les agissements dĂ©noncĂ©s. L’employeur doit alors vĂ©rifier que les faits rapportĂ©s sont avĂ©rĂ©s et doit donc mettre en place une enquĂȘte, sauf Ă  se voir reprocher un manquement Ă  son obligation de sĂ©curitĂ©.

En l’espĂšce, l’employeur a fait appel Ă  une entreprise extĂ©rieure spĂ©cialisĂ©e en risques psychosociaux pour mener l’enquĂȘte. Cette enquĂȘte a  rĂ©vĂ©lĂ© que la salariĂ©e mise en cause avait profĂ©rĂ© des insultes et des propos Ă  caractĂšre racial et discriminatoire causant des perturbations graves au sein de l’entreprise. C’est dans ce contexte que la salariĂ©e a Ă©tĂ© licenciĂ©e pour faute grave.

La Cour d’appel a jugĂ© que le licenciement Ă©tait dĂ©pourvu de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse car le compte rendu d’enquĂȘte avait Ă©tĂ© obtenu de maniĂšre dĂ©loyale et devait donc ĂȘtre Ă©cartĂ© des dĂ©bats. En effet, les juges du fond avaient relevĂ© que la salariĂ©e n’avait pas Ă©tĂ© informĂ©e ni entendue dans le cadre de l’enquĂȘte. L’employeur a donc mĂ©connu les dispositions de l’article L.1222-4 du Code du travail qui l’oblige Ă  porter prĂ©alablement Ă  la connaissance du salariĂ© la mise en Ɠuvre de tout dispositif collectant des informations personnelles.

Par un arrĂȘt en date du 17 mars 2021, la Cour de cassation a cassĂ© ce raisonnement en prĂ©cisant que l’article L1222-4 du Code du travail ne s’applique pas Ă  l’enquĂȘte interne effectuĂ©e Ă  la suite d’une dĂ©nonciation de faits de harcĂšlement moral (Cass.soc., 17 mars 2021, n°18-25.597).

DĂšs lors, l’employeur peut diligenter une enquĂȘte sur le salariĂ© mis en cause, sans l’en informer ni entendre ses explications. Cela Ă©tant dit, il peut ĂȘtre opportun d’informer et d’entendre le salariĂ© mis en cause afin de recueillir ses explications dans le cadre de l’enquĂȘte (et non uniquement au stade de son entretien prĂ©alable en cas de licenciement). Cette dĂ©marche permet Ă  la fois de comprendre une situation en ayant le point de vue de toutes les parties et d’éviter Ă©galement que le salariĂ© ne conteste, le cas Ă©chĂ©ant, l’objectivitĂ© de l’enquĂȘte menĂ©e.

TĂ©lĂ©travail : extension de l’ANI Ă  toutes les entreprises et obligation de rĂ©daction d’un plan d’action en pĂ©riode de pandĂ©mie

Par |2021-06-04T14:54:38+02:00mai 3rd, 2021|A la une, actualités générales|

Le cabinet Norma Avocats revient sur deux actualités en matiÚre de télétravail :

  1. Extension de l’Accord National Interprofessionnel sur le tĂ©lĂ©travail

Par arrĂȘtĂ© du 2 avril 2021, les stipulations de l’ANI du 26 novembre 2020 sur le tĂ©lĂ©travail ont Ă©tĂ© rendues obligatoires pour tous les employeurs et tous les salariĂ©s compris dans son champ d’application.

Sont concernĂ©es toutes les entreprises appartenant Ă  un secteur professionnel reprĂ©sentĂ© par les organisations patronales signataires Ă  savoir le Medef, la CPME et l’U2P.

Dorénavant, le cadre juridique du télétravail est donc régi par :

  • Les articles L.1222-9 Ă  L.1222-11 du Code du travail ;
  • L’ANI du 19 juillet 2005, Ă©tendu par arrĂȘtĂ© du 30 mai 2006 modifiĂ© par arrĂȘtĂ© du 15 juin 2006 ;
  • L’ANI du 26 novembre 2020 qui vient, entre autres, redĂ©finir les conditions d’accĂšs au tĂ©lĂ©travail en distinguant les pĂ©riodes de crise sanitaire des pĂ©riodes dites « normales » et qui met notamment en avant le dialogue social.

L’arrĂȘtĂ© du 2 avril dernier a posĂ© une rĂ©serve quant Ă  l’extension de l’article 3.1.5 relatif Ă  la prise en charge des frais professionnels.

Pour rappel, cet article prĂ©voit qu’il appartient Ă  l’entreprise de prendre en charge les dĂ©penses qui sont engagĂ©es par le salariĂ© dans l’intĂ©rĂȘt de l’entreprise et pour les besoins de son activitĂ© professionnelle, aprĂšs validation de l’employeur.

L’arrĂȘtĂ© indique quant Ă  lui que cet article est Ă©tendu « sous rĂ©serve du respect du principe gĂ©nĂ©ral de prise en charge des frais professionnels tel qu’interprĂ©tĂ© par la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc, 25 fĂ©vrier 1998, n° 95-44.096) selon lequel la validation de l’employeur est interprĂ©tĂ©e comme Ă©tant prĂ©alable, et non postĂ©rieure, Ă  l’engagement des dĂ©penses par le salarié ».

Dans ce cadre-lĂ , nous vous invitons Ă  rappeler ce principe de validation prĂ©alable des dĂ©penses liĂ©es Ă  l’exercice du travail Ă  distance dans vos accords sur le tĂ©lĂ©travail ou vos notes sur les frais professionnels.

  1. Crise sanitaire : obligation de mise en place d’un Plan d’action sur le tĂ©lĂ©travail

Depuis plusieurs mois maintenant, la situation sanitaire impose Ă  toutes les entreprises de limiter les interactions sociales aux abords et sur le lieu de travail et de placer en tĂ©lĂ©travail tous les salariĂ©s dont l’activitĂ© peut ĂȘtre exercĂ©e Ă  distance.

Si, dans les faits, les entreprises ont massivement mis en place le tĂ©lĂ©travail, dĂ©sormais et suite Ă  la mise Ă  jour du protocole sanitaire en entreprise de mars et avril dernier, elles ont l’obligation de formaliser leurs pratiques dans un Plan d’action sur le tĂ©lĂ©travail.

Ce plan d’action a pour objet de rĂ©duire au maximum le temps de prĂ©sence sur site des salariĂ©s en tenant compte des activitĂ©s totalement ou partiellement tĂ©lĂ©travaillables.

Le protocole indique que les modalitĂ©s de ce plan d’action sont adaptĂ©es Ă  la taille de l’entreprise et fait l’objet d’échanges dans le cadre du dialogue social de proximitĂ©.

Le Gouvernement indique Ă  cette occasion, qu’en cas de contrĂŽle, l’employeur doit prĂ©senter Ă  l’inspection du travail les actions mises en Ɠuvre pour favoriser le tĂ©lĂ©travail.

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